Je suis persuadée qu'un conditionnement de l'APD aux sujets migratoires constituerait une mauvaise réponse à une bonne question.
Nous faisons déjà beaucoup sur le volet migratoire, et nous nous efforçons de faire davantage encore. L'ensemble de nos opérateurs ont reçu la consigne de consacrer davantage de moyens à des programmes de coopération en matière migratoire. Des courriers signés par deux ministres ont été envoyés à l'AFD, à Proparco et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Les questions relatives aux migrations et aux déplacements forcés ont mobilisé 15 % des financements extérieurs de l'Union européenne en 2022. Lors du CPD du mois de mai, le président de la République a décidé de faire figurer la lutte contre l'immigration irrégulière parmi les dix objectifs prioritaires de notre politique de développement. Nous finalisons actuellement une stratégie « Migrations et développement 2023-2030 » pour agir dans les cinq domaines identifiés par le plan d'action conjoint de La Valette : le retour, la lutte contre les filières, les frontières, la protection des migrants et la lutte contre les causes profondes de l'immigration illégale.
À l'échelle européenne, nous avons soutenu l'allocation de 10 % des financements à la gestion des migrations, ainsi que la mise en œuvre d'un mécanisme visant à récompenser les États les plus coopérants, notamment en matière de réadmission. Nous ne sommes toutefois pas favorables à une conditionnalité simple, parce que ce n'est pas efficace et que les montants en jeu sont très faibles. Le seul instrument que nous pourrions éventuellement conditionner est celui des aides budgétaires, dont le montant est réduit.
L'APD est un outil de long terme qui ne constitue pas un moyen de pression, d'autant que sa réduction mécanique risquerait d'accroître les départs, notamment des déplacés climatiques. Un projet de construction de barrage soutenu par l'APD est structurant et créateur d'emplois : il n'est pas aussi simple de s'en désengager que de couper une aide budgétaire.
Le problème migratoire étant concentré dans un nombre limité de pays, une mesure générique de conditionnalité endommagerait nos relations avec de nombreux pays pour un résultat incertain. L'APD est un outil d'influence diplomatique et économique ; la conditionner nous placerait dans une situation de fragilité vis-à-vis d'autres puissances, dont je tairai les noms, qui exploiteraient notre absence.