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Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2023 à 21h30
Améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation — Présentation

Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé :

C'est d'un objectif commun que nous débattons ce soir. Face aux enjeux de démographie médicale et aux tensions auxquelles sont confrontés certains services hospitaliers, nous partageons, en tant que responsables politiques, un même sens du devoir.

Ce devoir consiste – je cite l'exposé des motifs du texte proposé par M. le député Neuder – à « redonner à notre système de santé toute l'efficience qui le caractérisait et qui a toujours fait la fierté de la France ». Les leviers d'action sont nombreux s'agissant des politiques de santé publique ; le Gouvernement s'en saisit pleinement.

Le budget de la sécurité sociale pour 2024, adopté définitivement, comporte des mesures fortes pour améliorer l'attractivité hospitalière et l'accès aux soins. Les négociations conventionnelles avec les médecins libéraux battent leur plein ; nous devrions en rouvrir très prochainement avec les pharmaciens.

Des propositions de loi ont été élaborées ici même ces dernières années ; leur adoption ouvre la voie à des avancées importantes pour accélérer le décloisonnement de notre système de santé. Je pense aux deux lois Rist – la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification ; la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé – mais aussi à la proposition de loi de M. Frédéric Valletoux, visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, sur laquelle une commission mixte paritaire (CMP) a trouvé un accord ce matin.

Car, pour transformer le fonctionnement et l'organisation territoriale du système de santé afin que celui-ci atteigne ses objectifs, il n'y a pas de solution unique, pas de solution miracle.

Nous connaissons les enjeux. Trop longtemps, le numerus clausus a rationné l'offre ; sa suppression a été un acte fondateur. Depuis, nous avons formé plus d'étudiants : leur nombre a augmenté de 15 % par an en moyenne. Je le sais, ce n'est pas suffisant. La charge qui pèse sur les soignants est encore lourde et nous entendons les attentes des Français, en particulier de nos concitoyens vivant dans les territoires les moins dotés.

Nous devons continuer de déployer les outils, les solutions et les organisations qui permettent de faire face, y compris à court terme, aux besoins de santé croissants. Il faut ainsi développer les organisations collectives, accélérer la mise en œuvre des partages de tâches et des délégations de compétences, favoriser l'innovation et l'expérimentation. Nous nous y sommes attelés, d'autant plus que ces politiques sont des éléments majeurs pour l'attractivité des métiers de santé. Nous devons nous saisir de ces leviers pour fidéliser les forces vives et inciter les jeunes à choisir ces professions.

Tout cela ne fonctionnera que si nous parvenons à créer une dynamique collective autour de ces enjeux. Le mouvement doit embarquer les pouvoirs publics et les professionnels de santé, bien sûr, mais aussi, au niveau local, les coalitions rassemblant collectivités, les élus et les citoyens. Les maîtres mots sont « confiance » et « responsabilités partagées ».

Ainsi, je salue l'esprit de l'article 1er de cette proposition de loi. Il vise à mieux prendre en compte la parole des acteurs, notamment les élus d'un territoire, dans la structuration de l'offre de formation, en fonction des besoins identifiés localement. Chacun peut et doit trouver sa place dans ce dialogue renforcé, au plus près des enjeux.

La proposition présente de l'intérêt ; il nous faudra poursuivre la discussion pour évaluer précisément les conséquences que pourrait avoir un tel dialogue. Il faut, en effet, prendre en compte les capacités effectives de formation des universités – une réalité que nul ne saurait ignorer. Même si les facultés ouvrent de plus en plus d'antennes délocalisées, si les campus s'agrandissent et si l'éducation numérique offre de nombreuses perspectives, le principe de réalité reste à la base de tout. La formation doit répondre aux plus hautes exigences de qualité ; nous ne transigerons jamais avec cet impératif, plus crucial encore en médecine.

J'insiste donc sur le fait qu'il ne faut pas perdre l'acquis d'une régulation en partie quantitative. Si nous voulons maintenir une formation qui garantisse la qualité et la sécurité des soins, il est indispensable de prendre en compte les capacités de formation, aussi bien théorique, à l'université, que pratique, à l'hôpital et hors CHU.

La proposition de loi de M. Valletoux, en son article 5 bis, traite aussi de la question de la prise en compte des besoins de santé des territoires. L'articulation entre les deux textes reste donc à préciser. Cependant, grâce à la CMP conclusive – dont je me réjouis –, nous avons déjà abouti à une forme de concrétisation de ce projet, ce qu'il convient de saluer collectivement.

Le principe de réalité doit également nous guider lorsque nous évoquons l'idée d'intégrer, en cours de formation, des étudiants français ayant choisi de suivre leurs études de médecine dans un autre pays européen. La solution proposée à l'article 2 ne nous paraît pas opportune.

D'emblée, je rappelle qu'il existe un principe de reconnaissance des diplômes entre États européens. Celui-ci s'applique aux médecins spécialistes, comme aux dentistes, aux sages-femmes, aux pharmaciens et aux professionnels paramédicaux. Aussi des modalités de retour en fin de cursus sont-elles déjà prévues pour les ressortissants français qui obtiennent leur diplôme en Belgique ou au Portugal, par exemple.

De même, la réglementation encadre les conditions et les modalités d'accès aux études de médecine des étudiants inscrits dans un État membre de l'Union européenne, un État partie à l'Espace économique européen (EEE), la Confédération suisse ou la principauté d'Andorre. Le retour – volontaire – des étudiants français est d'ailleurs une réalité, qu'on observe généralement entre le deuxième et le troisième cycles, au moment des ECN, les épreuves classantes nationales.

Intégrer ces étudiants en cours de cursus, hors des possibilités existantes et qui s'appliquent à tous les étudiants et professionnels européens, poserait des problèmes notamment juridiques, au regard du principe d'égalité de traitement avec les étudiants engagés dans un cursus universitaire en France. Il ne faut pas exclure l'instabilité qu'entraînerait une telle disposition.

Par ailleurs, je tiens à vous assurer que nous nous efforçons de faciliter et de fluidifier encore davantage le parcours des praticiens à diplôme étranger, européen et hors UE, qui souhaitent exercer en France. La proposition de loi de M. Valletoux prévoit des dispositions spécifiques pour les Padhue, les praticiens à diplôme hors Union européenne.

C'est dans cet état d'esprit que j'aborde l'article 3. Je partage, bien entendu, la volonté d'encourager les passerelles. Je rappelle que les auxiliaires médicaux peuvent, depuis 2017, bénéficier d'une passerelle spécifique vers les études médicales et que les titulaires d'un diplôme en odontologie, en pharmacie et en maïeutique peuvent, de longue date, être admis en deuxième ou en troisième année de médecine.

Comme vous, je souhaite encourager ces réorientations et soutenir la motivation des étudiants qui s'y engagent, sans rien sacrifier toutefois à la qualité des parcours. Cet article est à mes yeux un dispositif d'appel, qui ne contredit en rien les dispositions aujourd'hui applicables.

Par ailleurs, je tiens à souligner que les passerelles ne sont pas la seule voie pour monter en compétence dans le système de santé, bien au contraire.

Nous avons besoin des paramédicaux et de toutes les professions de santé, autant que des médecins, dans le système de santé comme dans chaque parcours de soins.

Grâce à la pratique avancée, à l'accès direct, aux partages et aux délégations de compétences – qui doivent se déployer prioritairement dans des organisations territoriales collectives et coordonnées –, les professionnels peuvent se saisir de possibilités d'évolution tout au long de leur carrière. Chaque métier peut ainsi déployer tout son potentiel et trouver sa place dans un système de santé en pleine transformation.

Reconnaissons que, sur les différents sujets évoqués dans cette proposition de loi, les lignes bougent et les choses avancent. Toutes et tous, nous continuons à accorder une attention prioritaire aux sujets essentiels de l'accès aux soins et de la formation des médecins. Cet état d'esprit doit continuer à prévaloir pour que nous construisions collectivement de nouvelles solutions utiles à nos concitoyens.

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