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Intervention de Éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2023 à 15h00
Souveraineté de la france nationalité immigration et asile — Après l'article 1er

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je rappelle d'abord que seuls les nationaux ont un droit général et absolu à entrer, séjourner et demeurer en France. Le droit international reconnaît en effet à chacun le droit d'entrer sur le territoire de l'État dont il est le ressortissant, et il ne peut pas en être expulsé, que ce soit par voie de mesure individuelle ou collective.

Les étrangers, au contraire, ne bénéficient pas de ces droits, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a solennellement jugé dans sa décision du 13 août 1993, considérant qu'« aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ; que les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques ; [et] que le législateur peut ainsi mettre en œuvre les objectifs d'intérêt général qu'il s'assigne ». Et le Conseil ajoute, monsieur le rapporteur, que « dans ce cadre juridique, les étrangers se trouvent placés dans une situation différente de celle des nationaux » qui, eux, je le répète – et le Conseil constitutionnel aussi –, ont un « droit général et absolu » d'entrée et de séjour en France.

Une telle jurisprudence est conforme à celle de la CEDH, selon laquelle « les États contractants ont, en vertu d'un principe de droit international bien établi et sans préjudice des engagements découlant pour eux des traités, y compris la Convention, le droit de contrôler l'entrée, le séjour et l'éloignement des non-nationaux ». Il n'y a donc aucun droit opposable en la matière.

En revanche, dans l'examen de situations individuelles, les juges peuvent considérer, dans le contrôle de proportionnalité qu'ils opèrent en ce qui concerne les droits de l'étranger à accéder ou à se maintenir en France, qu'une mesure de refus d'entrée, d'éloignement ou d'expulsion n'est pas justifiée, compte tenu de la vie privée et familiale de l'intéressé. Si vous souhaitez changer cet état de fait de la façon radicale que vous indiquez, faisant notamment obstacle à la jurisprudence de la CEDH, il faut faire comme la Russie et quitter pour de bon la Convention européenne des droits de l'homme.

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