Le logement est bien souvent devenu un outil d'optimisation fiscale et de rendement permettant une exonération exagérée de l'impôt. Dans les zones les plus tendues, de nombreux actifs ne peuvent plus vivre sur leurs lieux de travail et des entreprises déménagent faute de logements en nombre suffisant pour leurs salariés. Des soignants et des employés territoriaux sont contraints de dormir dans leurs voitures ou au camping durant l'été, tandis que l'appartement qu'ils occupaient est proposé sur un site de location de vacances. Des locataires en règle sont exclus de leurs logements afin de les transformer en meublés de tourisme. Des familles ne peuvent plus vivre là où elles ont grandi car la spéculation immobilière, qui a fait exploser les prix, transforme nos villes et villages en résidences de vacances. Dans des villes universitaires, le manque de logements étudiants est inversement proportionnel à l'augmentation du nombre de meublés de tourisme, tandis que 12 % des jeunes abandonnent leurs études sans solution de location.
Les élus locaux multiplient les appels à l'aide face au nombre croissant de demandes d'accès à un logement qu'ils reçoivent. Or, force est de constater que l'État encourage ce déséquilibre délétère et, ce faisant, entretient la crise du logement par des avantages fiscaux injustifiés et une absence de réglementation efficace.
Par cette proposition de loi transpartisane, nous avons tenté d'apporter une première solution à ces problèmes. Du Sud-Ouest à la Bretagne, du littoral à la montagne, des villes aux villages, ce texte a pour objectif commun d'encadrer les meublés de tourisme et de favoriser le logement permanent.
C'est un enjeu de justice sociale et fiscale mais aussi de cohésion des territoires, car ce phénomène ne touche pas que Biarritz, Saint-Malo, Marseille ou Paris. Il se propage partout, jusqu'à Bourges, Orléans ou Caen, tant ces opérations immobilières sont devenues lucratives.
Durant nos auditions, nous avons entendu le cri d'alarme de nombreux élus locaux, toutes tendances politiques et tous territoires confondus. Nous devons donc agir. Au lendemain du congrès des maires et présidents d'intercommunalité de France, ce texte entend enfin leur permettre de mettre en œuvre une politique du logement juste et équilibrée, au plus près des besoins de leurs populations et de leurs territoires. Tel est notamment l'apport de l'article 2 dont les dispositions – renforcement juridique du changement d'usage et possibilité d'instaurer des quotas – permettront à toutes les communes qui s'en saisiront de contenir la croissance du parc de meublés touristiques.
La location d'un meublé de tourisme offre certes un complément de revenu pour certains, mais elle participe surtout à l'augmentation des loyers, à l'impossibilité d'acheter pour les ménages de classes moyennes, à l'accroissement du mal-logement et à la précarisation des plus fragiles. Cette proposition de loi n'a pas pour objectif d'interdire les locations de type Airbnb, ni de déployer une réglementation drastique comme il en existe dans des États pourtant très libéraux, à l'image de New York, très récemment. Elle entend trouver un équilibre entre les activités touristiques saisonnières et la vie du territoire le reste de l'année.
C'est également dans un but de justice qu'à l'article 1er , nous proposons de soumettre les locaux de tourisme aux mêmes obligations de performance énergétique que les logements.
N'oublions pas que caractère culturel exceptionnel de nos territoires, qui fonde leur attractivité touristique, a été façonné et valorisé par plusieurs générations de femmes et d'hommes. Dès lors, le départ des habitants d'une commune signe la disparation d'une partie de sa mémoire vivante et de son identité.
Ces mêmes habitants permanents rendent possible la présence de services publics ou de commerces de proximité aujourd'hui menacés. Dans certains quartiers, ils sont pourtant évincés par la montée des prix et le développement de pratiques illégales. En effet, l'intérêt économique des meublés de tourisme forme un terreau d'insécurité pour les locataires, par l'intermédiaire de baux mobilité abusifs générant un double revenu issu de la location saisonnière et de la location de longue durée ; ou encore par de faux congés pour vente ou pour reprise.
La question de l'habitat est si importante qu'elle impose la primauté des mesures préventives sur les mesures curatives. Le logement n'est pas une marchandise comme une autre et ne doit pas être traité comme tel.
Je me réjouis que nous puissions travailler de concert, avec ma corapporteure Annaïg Le Meur, sur un texte commun, enrichi et renforcé par la commission à l'initiative de députés issus de divers groupes. Même s'il ne peut résoudre à lui seul l'ampleur de la crise en cours, ce texte est une première initiative qui permettra concrètement et rapidement aux Français de se loger dans des conditions dignes et durables.
Le 11/12/2023 à 14:05, Aristide a dit :
"Ces mêmes habitants permanents rendent possible la présence de services publics ou de commerces de proximité aujourd'hui menacés."
Comme si les gens qui viennent en vacances ne dépensaient pas dans les commerces de proximité... En plus les vacanciers sont des gens plutôt fortunés, et donc avec un pouvoir d'achat nettement supérieur à la population locale, ils sont donc tout bénéfice pour le commerce et la vie économique locale, une vraie opportunité.
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