Le septième art, l'accès à la culture, le grand écran : voilà ce qui nous réunit aujourd'hui et ce qui définit notre rapport au cinéma. Cherté de la vie, films en différé, spécificités structurelles : voilà ce qui définit notre accès aux films dans la centaine de salles de nos outre-mer. Cette proposition de loi répond au besoin de 85 % des exploitants de salles de cinéma des outre-mer, mais il est essentiel de dire ici que l'examen de cette proposition de loi met en lumière ce que nous, parlementaires, appelons les spécificités de nos pays dits d'outre-mer.
Cette proposition de loi, issue d'une initiative de la sénatrice Catherine Conconne – que je salue puisqu'elle assiste à nos débats en tribune –, est en effet révélatrice des paradoxes qui fondent chacun de nos territoires. D'un côté, nous avons un bassin antillais, où le syndicat des exploitants de salles de cinéma outre-mer (SECOM) plaide pour un taux de location plafonné à 35 %. De l'autre, dans l'Océan indien, il existe une voix dissonante qui plébiscite le modèle actuel, laissant la négociation aller jusqu'à un taux de location de 50 %. Je n'entrerai pas dans le contexte conflictuel qui existe à La Réunion, je ne suis pas l'arbitre de deux visions économiques propres à mon île. Ma seule boussole, mon seul guide, c'est l'intérêt de mon peuple, le peuple réunionnais.
La première question qui se pose est : pourquoi devons-nous légiférer aujourd'hui ? Tout simplement car les négociations entre exploitants et distributeurs ont échoué et qu'il revient désormais à la loi de trouver une solution. La deuxième question qui se pose est : qu'est-ce que ce taux de location va changer pour nos peuples respectifs ? Aujourd'hui, il peut aller jusqu'à 50 %. Le plafonner à 35 % permettra aux exploitants de réaliser des marges dans leur modèle économique.
Pour autant il existe une hypothèse qu'il nous faut envisager, et qui aurait des conséquences dommageables. Ce risque, c'est le fait que les distributeurs pourraient retenir les films si les négociations avec les exploitants sur le taux de location ne leur conviennent pas. Pourquoi distribuer un film à un exploitant qui n'est pas aussi rentable que les autres ? Un appauvrissement de l'offre cinématographique dans nos îles est-il à craindre ? C'est bel et bien une question. On risque donc une augmentation du prix du ticket de cinéma, des licenciements du personnel ou encore, la fermeture de certaines petites salles – c'est aussi une question plus qu'une affirmation.
Cette proposition de loi soulève donc la question fondamentale de l'accès à la culture pour nos peuples ultramarins. À un moment où nous tous, parlementaires, défendons un coût de la vie raisonnable pour nos peuples, cette réalité doit également s'appliquer à la vie culturelle.
Ne pas choisir est également un choix. Le groupe GDR – NUPES, qui compte dix députés des pays d'outre-mer, a beaucoup débattu de sa position sur ce texte. Avec d'autres députés réunionnais, Karine Lebon et Emeline K/Bidi, nous avons choisi de ne pas choisir et de nous abstenir. Au-delà, au sein du groupe, certains députés sont pour le texte, d'autres sont contre. Vous avez compris que le groupe soutiendra l'abstention. Je vous remercie pour le travail fourni.