Je suis très heureux de débattre avec vous de la politique culturelle dans les outre-mer. Même si chacun l'a bien à l'esprit, laissez-moi rappeler en quelques mots le contexte : très fragilisé dans l'Hexagone pendant la crise sanitaire du covid-19, le secteur du cinéma a rencontré des difficultés plus importantes encore dans les territoires ultramarins, en particulier dans les départements et régions d'outre-mer (Drom).
Si le soutien massif du Gouvernement a permis d'éviter un certain nombre de faillites et de relancer la dynamique dans l'Hexagone, la fréquentation dans les territoires ultramarins a, pour sa part, diminué en 2021 par rapport à l'année précédente. Je tiens donc à saluer le travail des acteurs culturels et institutionnels qui sont à l'origine de cette proposition de loi.
Ce texte est pour moi l'occasion de rappeler l'attention portée par le Gouvernement aux spécificités des territoires ultramarins, qui ne sauraient être traités comme l'Hexagone.
Vous l'aurez compris, il existe en outre-mer un modèle économique particulier d'exploitation, mis en lumière grâce au rapport demandé en 2018 à l'Inspection générale des finances (IGF) par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Ce document, le rapport Tirot, préconisait le plafonnement à 35 % du « taux de location » des films outre-mer – rappelons que ce taux, qui fait l'objet, film par film, de négociations entre l'éditeur-distributeur et l'exploitant de chaque salle, peut avoisiner 50 % dans l'Hexagone.
Je précise, sous le contrôle des rapporteurs, que cette proposition de loi ne vise pas à modifier le taux plancher. J'ajoute qu'elle ne concerne que les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, soit La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Mayotte, où le taux oscille entre 35 % et 40 %. Saint-Barthélemy, Saint-Martin, dont je salue le député, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie sont exclues du champ d'application du texte.
Je rappelle tout cela pour que chacun comprenne dans quel environnement nous évoluons. Depuis un an, la pression des distributeurs s'est accentuée, notamment à La Réunion, où un exploitant a été obligé d'accepter des taux supérieurs ; dans le même temps, la part revenant au distributeur a été réduite de près de moitié par l'augmentation des frais d'édition et de promotion, bien plus élevés dans les outre-mer que dans l'Hexagone.
Compte tenu de la nécessité économique, de l'échec de longues négociations et tentatives de médiation, il revient au législateur de rétablir un équilibre viable entre les exploitants ultramarins et les distributeurs : des taux trop élevés mettraient en péril – je pèse mes mots – certains cinémas, d'autant que la construction de tels établissements coûte très cher. Rendez-vous outre-mer, vous constaterez le bien-fondé de mes propos ! Or l'offre culturelle y est souvent limitée ; la ministre de la culture et moi-même souhaitons d'ailleurs la renforcer.
Un point en particulier suscite une certaine défiance. On évoque le risque d'éviction : le plafonnement des taux pourrait détourner certains distributeurs des territoires ultramarins. On constate des tensions, comme il en existe dans d'autres domaines – chacun sait à quoi je fais référence. Le texte va cependant dans le bon sens pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, 35 % est le taux pratiqué outre-mer depuis des dizaines d'années ; ensuite, lorsqu'il est appliqué, le distributeur, selon la Fédération nationale des cinémas français (FNCF), bénéficie d'une rémunération quasiment équivalente à celle qu'il percevrait dans l'Hexagone, où le taux de la taxe sur le prix des entrées en salles de spectacles cinématographiques, dite taxe spéciale additionnelle (TSA), est de 10,72 %, contre 5 % outre-mer. Nul besoin d'avoir fait Polytechnique pour en mesurer les conséquences ! L'objectif du distributeur étant que le film fasse le plus possible d'entrées, ce qui représente pour lui un maximum d'argent, le CNC dispose d'outils qui pourraient être mobilisés, tels que les engagements de diffusion.
La culture doit être accessible partout et pour tous : en plafonnant les taux de distribution pour tous les types de films, ce texte serait de nature à amener des exploitants à proposer une offre culturelle plus diversifiée.
Je rappelle que cette proposition de loi a été adoptée par le Sénat et que la nécessité d'un plafonnement des taux de location par la loi a fait l'objet, il y a quelques jours, d'un consensus au sein de votre commission des affaires culturelles qui a, à son tour, adopté le texte. En dépit des multiples pressions exercées sur certains acteurs, ne nous laissons pas influencer !
Attaché à la diffusion de la culture outre-mer, j'estime, encore une fois, que le texte va dans le bon sens, que le cinéma, particulièrement celui destiné aux adolescents et aux étudiants, doit être préservé.