Intervention de Julie Laernoes

Séance en hémicycle du lundi 4 décembre 2023 à 15h00
Défense des démocraties face aux multiples menaces et tentatives de déstabilisation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulie Laernoes :

Les crises géopolitiques sont de plus en plus nombreuses et complexes. Dans un monde où les équilibres évoluent rapidement, il devient manifeste qu'une approche occidentalo-centrée ne permet plus d'appréhender l'ensemble des défis mondiaux. Dès lors que nous reconnaissons pleinement notre interdépendance mondiale, nous devons accepter que la construction de ponts, plutôt que l'érection de murs, constitue un impératif moral. À l'heure où nous devons réinventer nos démocraties, il faut prendre du recul avant de chercher à imposer un modèle. Nous ne sommes plus les gendarmes du monde.

Les menaces sont là, les démocraties sont bel et bien en crise. Si nous partageons votre constat sur les menaces grandissantes, nous regrettons votre absence d'analyse sérieuse sur l'origine de ces menaces et votre postulat consistant à dédouaner nos démocraties de toutes responsabilités.

Le premier point – et non des moindres – sur lequel vous manquez de clairvoyance est le suivant : si vous condamnez à juste titre les actes terroristes du Hamas du 7 octobre, vous omettez de condamner explicitement les actions militaires récentes du gouvernement israélien à Gaza. Les bombardements intensifs, qui ont entraîné des pertes civiles considérables et exacerbé la crise humanitaire, ne peuvent être passés sous silence lorsque l'on parle des dérives autoritaires et guerrières de certains États. Ce manquement découle d'une approche partiale qui ne tient pas compte des souffrances du peuple palestinien ; elle est malheureusement caractéristique de l'aveuglement coupable de la France.

Alors que la trêve n'a duré que quelques jours et que les combats ont repris, entraînant chaque jour davantage de morts tragiques, il est impératif d'exiger une intervention de la Cour pénale internationale. Une enquête impartiale sur la situation à Gaza est essentielle pour garantir que ces violations graves du droit international ne restent pas impunies.

La politique étrangère française, sous la présidence d'Emmanuel Macron, a manqué de clarté et de cohérence sur ce dossier. Elle a oscillé entre différentes positions sans parvenir à adopter une ligne ferme et équilibrée qui reconnaisse les droits et torts de toutes les parties. Cette hésitation affaiblit, voire annihile, notre capacité à agir en tant que médiateur crédible et respecté.

Cette question du besoin de justice et d'équité, si cruciale dans le cadre du conflit israélo-palestinien, trouve également un écho dans notre approche d'autres contextes géopolitiques. Les séquelles de la colonisation en Afrique et les interventions occidentales au Proche et au Moyen-Orient ont indéniablement façonné l'histoire qui s'écrit aujourd'hui.

La lutte contre les multiples menaces et tentatives de déstabilisation suppose de traiter tous les pays avec la même rigueur et la même fermeté s'agissant du respect des droits humains et des libertés individuelles. Une telle approche est la seule voie envisageable pour tenter de prévenir de nouveaux coups d'État. Ces basculements – n'ayons pas peur de le dire – ont été rendus possibles en partie par la complaisance de la France à l'égard de certains dirigeants autocratiques dont les régimes, bien que contestables, servaient nos intérêts militaires, économiques et financiers. C'est en rompant avec cette tradition héritée des pires relents de la Françafrique que nous pourrons véritablement contribuer, à notre juste part, à la stabilité et à l'autonomie démocratique de ces pays.

Nous devons faire preuve d'une fermeté constante – et qui ne s'infléchisse pas en fonction de nos relations commerciales – envers les régimes autoritaires. Le « en même temps » si cher à Emmanuel Macron n'a aucun sens à l'échelle internationale.

Or, dans la proposition de résolution que vous nous présentez aujourd'hui, vous ne remettez pas en question nos vieilles manières de faire ni ne reconnaissez la pluralité des voies de développement et des systèmes de valeurs. Nous le regrettons.

Aujourd'hui, pour construire un avenir commun, nous devons nous engager dans une approche respectueuse de la souveraineté et des aspirations des nations et sortir de nos perspectives historiquement ancrées. Alors que la France a trop longtemps privilégié une approche ultramilitarisée, l'Europe de demain devra soutenir des solutions durables, fondées sur la compréhension des réalités locales.

Quelques jours après le décès d'Henry Kissinger, architecte de la dictature de Pinochet, et cinquante ans après le coup d'État au Chili qui a mené ce dernier au pouvoir, nous ne pouvons plus encenser un ordre mondial régi par des grandes puissances qui interfèrent avec les politiques d'autres pays dans le but de poursuivre leurs propres intérêts nationaux. En France, comme en Europe et partout dans le monde, nous devons œuvrer à l'émergence de nouveaux blocs démocratiques qui se construisent autour d'un socle de valeurs : le social, l'écologie et l'humanisme.

Le groupe Écologiste votera donc contre cette proposition de résolution.

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