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Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du lundi 27 novembre 2023 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Nous avons un devoir d'humanité et de protection à l'égard des MNA, ce qui ne doit pas nous empêcher de nous poser la question de la réalité de leur minorité et celle du coût de leur prise en charge.

Cela étant, nous sommes face à un cavalier législatif, comme l'a admis le Sénat et comme vous le savez parfaitement, monsieur Ciotti : c'est l'autorité judiciaire et non la préfecture qui peut reconduire des mineurs dans leur pays d'origine ; c'est le juge judiciaire qui ordonne le placement de MNA. Le préfet, quant à lui, peut faire des mises à l'abri. Il n'en demeure pas moins que nous devons nous pencher sur l'efficacité de notre politique judiciaro-diplomatique. Un mineur peut, en effet, retourner dans son pays d'origine quand une décision de justice établit qu'il y a de la famille et qu'il peut y être éduqué. Le Gouvernement marocain a signé une convention avec le ministre de la justice au sujet des MNA marocains. Vous citez d'autres pays que ceux du Maghreb, ce qui incite à penser que des améliorations peuvent être apportées par tel ou tel pays.

Ceux qui se prétendent mineurs le sont-ils réellement ? En bon connaisseur de cette question, monsieur Ciotti, vous savez que personne n'a trouvé la martingale, pas même les gouvernements de votre tendance politique. Puisque les tests osseux ne permettent pas toutes les identifications, je ne saurais trop vous recommander d'adopter ce texte, qui prévoit la coercition pour les prises d'empreintes, ce qui ouvre un possible accès à un état civil. Vous nous expliquez que les plus nombreux MNA arrivant dans votre département sont des Ivoiriens. En réalité, les migrants qui passent par Lampedusa, avant de traverser l'Italie pour arriver à Menton, revendiquent une nationalité qui n'est pas vérifiée. Ce sont des nationalités revendiquées et non vérifiées. La première chose à faire est donc de vérifier l'identité, sachant qu'un pays – et a fortiori un juge – ne renverra pas une personne vers un pays dont elle n'aurait pas la nationalité. Pour la première fois, nous proposons d'utiliser la coercition pour les prises d'empreintes, afin de vérifier l'identité des personnes étrangères, sachant que les tests osseux ne sont pas totalement fiables, même s'ils devraient être généralisés.

En ce qui concerne la vérification de la minorité, le ministère de la justice conduit des expérimentations intéressantes en Gironde – d'aucuns ont évoqué les difficultés que ce département rencontre dans ce domaine, mais il n'est pas le seul. Les policiers et les gendarmes dressent ce que l'on appelle des procès-verbaux de majorité ou de minorité, lesquels ne sont pas contestés par le procureur de la République dans 97 % des cas. Pourquoi est-ce aussi important ? Si la personne est considérée comme majeure, elle dépend de l'autorité du préfet et peut faire l'objet d'une reconduite administrative. S'il s'agit d'un mineur, son cas relève de l'autorité judiciaire.

J'en viens aux responsabilités financières respectives de l'État et des départements, question soulevée par MM. Ciotti et de Courson. Sans remettre en cause l'accueil des MNA, monsieur de Courson, vous estimez que ce n'est pas aux départements mais à l'État de le financer. Il est vrai qu'un grand débat se profile entre les collectivités locales et l'État. Rappelons que de nombreux départements n'ont pas joué le jeu pendant très longtemps. Il aura fallu attendre la loi relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, pour obliger la moitié des départements – et non des moindres – à adopter le fichier AEM. Je pense ici à la ville de Paris, par exemple, qui a pourtant beaucoup de MNA sur son territoire. Quatre-vingt-six départements disposent désormais de ce fichier, ce qui permet une plus grande efficacité de l'État. Les quelques départements qui refusent encore d'y recourir pour des raisons idéologiques y seront prochainement contraints par décret.

Combien y a-t-il de MNA sur notre territoire ? Entre 40 000 et 50 000, dites-vous, monsieur Ciotti. D'après les données des quatre-vingt-six collectivités qui disposent désormais d'un fichier AEM, il y aurait 14 782 mineurs accueillis par les conseils départementaux en 2022 et jusqu'au mois de septembre de 2023. Ce chiffre vous semble sous-estimé, monsieur Ciotti, au vu de la situation de votre département ? C'est parce que vous êtes particulièrement accueillant, c'est bien connu. Plus sérieusement, il n'est pas anormal que les chiffres soient plus élevés dans les zones frontalières. Les collectivités, qui nous ont servi de repère, n'ont d'ailleurs pas intérêt à minimiser la situation puisqu'elles sont dans une relation financière avec l'État.

Le vrai sujet est celui du lien entre MNA et protection de l'enfance. Les faux mineurs, dont je suis incapable d'évaluer le nombre, prennent effectivement la place d'enfants, français ou étrangers, qui doivent être protégés parce qu'ils sont orphelins ou parce que leurs parents ont perdu l'autorité parentale pour des raisons de violences sexuelles ou autres. Dans mon département, où nous sommes très accueillants, de faux mineurs placés d'office prennent la place d'enfants – français ou étrangers – dépendant de l'ASE. Le rôle des départements n'est pas de distinguer les étrangers des Français, mais de distinguer les enfants qui doivent être sous protection de l'ASE des personnes qui sont dans un autre parcours de vie et dont l'éventuel accueil ne sera pas financé de la même manière.

Votre question, monsieur Ciotti, ne me concerne pas directement, mais les échanges que nous avons eus au sein du Gouvernement lors de la préparation de ce texte me permettent de vous apporter des réponses. Tout d'abord, la Première ministre a annoncé une amélioration du financement pour les départements. François Sauvadet, président de l'ADF, en a pris acte même s'il considère peut-être que c'est insuffisant. Ensuite, Charlotte Caubel prépare un texte sur les mineurs, en concertation avec la Première ministre et le garde des sceaux. Un comité interministériel à l'enfance s'est tenu la semaine dernière. Au cours des prochains mois, vous aurez donc à débattre de cette question qui, je le répète, relève de la justice et de la petite enfance, et non pas des préfectures et de mon ministère. C'est alors qu'il faudra se prononcer sur l'éventuelle recentralisation de cette compétence et sur son financement, sachant que tous les départements ne demandent pas la même chose. Il faudra aussi débattre de l'amélioration de notre politique diplomatico-judiciaire concernant les reconduites.

Quoi qu'il en soit, le Gouvernement ne fuit pas un débat qui n'a pas forcément sa place dans ce texte, notamment quand il s'agit des sommes avancées par les départements en raison de décisions judiciaires. Le préfet intervient pour les mises à l'abri et les évaluations. Sur ce dernier point, monsieur Ciotti, je rappelle que le Sénat a pour l'instant refusé la prise contrainte des empreintes pour les mineurs. Nous en discuterons lorsque nous en viendrons à l'article concerné.

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