Avec 3,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de crédits de paiement (CP), le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 prévoit une augmentation de près de 289 millions d'euros (soit un peu moins de 9 %) des dépenses de la mission Action extérieure de l'État, qui porte l'ensemble des crédits et des emplois du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MAE), à l'exception de l'aide au développement.
Plus de la moitié de cette augmentation se détaille en 77 millions d'euros supplémentaires pour la participation française à la facilité européenne pour la paix (FEP) ; 48 millions d'euros supplémentaires pour les dépenses de personnel de l'ensemble des trois programmes ; 23 millions d'euros supplémentaires pour le rattrapage des crédits alloués à l'enseignement français à l'étranger ; et 21 millions d'euros supplémentaires pour la participation financière aux organisations nationales.
Ces crédits en augmentation correspondent ainsi pour 90 millions d'euros à des mesures ponctuelles, liées à la guerre en Ukraine, au sommet pour la Francophonie et aux événements en marge des Jeux olympiques.
Les dépenses de la mission Action extérieure de l'État ne représentent que 0,6 % de celles du budget général de l'État. Ce ratio est exactement le même au niveau des emplois, la mission rémunérant plus de 12 000 équivalents temps plein travaillé (ETPT) sur les presque 2 millions d'ETPT du plafond du budget général.
Je vous invite donc d'avance à relativiser nos futurs débats sur les amendements de crédits, quand l'actualité nous rappelle chaque jour le prix que nous payons pour avoir délaissé cette mission pendant près de trente ans, en réduisant notamment presque de moitié les effectifs de notre diplomatie.
Dans ce contexte, la hausse des crédits annoncée par ce projet de loi de finances peut nous réjouir, mais ne saurait nous satisfaire, tant elle constitue un saupoudrage de crédits et d'emplois, sans ligne directrice claire, plutôt qu'une véritable politique de réarmement de notre diplomatie.
Par exemple, les 116 ETPT supplémentaires annoncés ne représentent qu'une hausse de 0,9 % des emplois de la mission Action extérieure de l'Etat, et aucun responsable de programme n'est en mesure de dire où ces emplois seront affectés en priorité.
De manière révélatrice, lors de la présentation du projet de loi de finances devant notre commission, le ministre de l'économie et des finances et le ministre chargé des comptes publics sont revenus à plusieurs reprises sur l'augmentation des moyens des missions régaliennes, mais sans jamais citer l'action extérieure de l'État.
J'ose espérer que ce renforcement ne sera pas seulement temporaire, et mû par une volonté d'apaiser le climat social après la grève inédite de juin 2022, à l'origine des états généraux de la diplomatie.
En l'absence d'une loi d'orientation et de programmation pour le MAE, le Parlement doit prendre toute sa place dans la définition des priorités de notre politique étrangère et de ses moyens matériels et humains. M. Bruno Le Maire lui-même m'a confirmé qu'un débat au Parlement serait utile à cet égard. L'annonce du Président de la République d'augmenter les emplois du ministère de 700 ETP et ses crédits de 20 % d'ici à 2027 ne saurait avoir force de loi, et s'organiser sans réflexion préalable, au coup par coup, chaque année.
Le dernier Livre blanc de la diplomatie date de 2008. Or, la situation internationale a considérablement évolué depuis, et rend désormais urgentes une réflexion collective et une loi de programmation.
Ce projet de budget présente ainsi plusieurs « failles béantes », que certains des amendements qui seront examinés visent à combler : le sous-financement dramatique des crédits sociaux au bénéfice des 3 millions de Français établis hors de France ; la quasi-absence de financement de la Caisse des Français de l'étranger (CFE), alors même qu'elle remplit une mission de service public et qu'elle connaît de grandes difficultés financières ; l'impensé de la rénovation thermique des 2 000 bâtiments de l'État à l'étranger ; la sous-dotation de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et des instituts français, alors qu'ils constituent notre principal outil d'influence dans le monde.
Mes chers collègues, j'espère que l'examen de cette mission sera l'occasion d'une prise de conscience collective quant à l'importance de notre outil diplomatique et de son inscription dans le cadre d'une loi de programmation.
En l'état, je ne peux qu'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits proposés pour la mission Action extérieure de l'Etat en 2024.