Intervention de Jean-Marc Rivéra

Réunion du mardi 14 novembre 2023 à 15h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Jean-Marc Rivéra, délégué général de l'Organisation des transporteurs routiers européens :

Je souhaitais apporter deux éléments complémentaires. D'abord, si l'on veut décarboner le transport au sens large, on devra repenser toute l'organisation de la logistique, donc réduire les kilomètres parcourus. Cela implique un vrai plan de réindustrialisation et de développement des entrepôts.

Nous y voyons un autre intérêt : le transport routier est confronté à un problème de recrutement, notamment de conducteurs – cela est un peu moins vrai en ce moment car les volumes sont moindres, mais la question reviendra lorsqu'ils augmenteront et du fait de la pyramide des âges. Chez les conducteurs potentiels, la passion de la conduite reste, mais s'absenter longtemps est un frein. Réduire les distances des marchandises transportées nous permettrait d'être plus attractifs : les conducteurs apprécient de prendre leur travail le matin et de revenir chez eux le soir. Il est donc essentiel de réduire la distance et de développer les hubs logistiques.

Il a été question d'un entrepôt déjà embranché, qui appelle à davantage de transport modal, sans succès. De même, une très grande entreprise logistique expliquait récemment qu'elle disposait de six hubs logistiques embranchés, à un détail près : elle ne voyait pas encore l'ombre d'un train. Au-delà du fait qu'il faut des clients, pourquoi va-t-on vite sur la partie fluviale et si lentement sur la partie ferroviaire ? La moindre disponibilité des sillons ferroviaires, partagés entre le voyageur et le fret, peut l'expliquer.

L'investissement dans le verdissement des flottes ne se limite pas à acheter de nouveaux matériels trois fois et demie plus cher que les anciens. Une entreprise de transport spécialisée dans le transport de produits frais, déjà dotée d'une belle flotte de 600 véhicules, dont les deux tiers utilisent les biocarburants ou le biogaz, a choisi d'investir dans douze porteurs électriques, les payant trois fois et demie le prix d'un camion diesel. Heureusement, un client a accepté de jouer le jeu : il a dû investir lui-même dans les conditions de la recharge, en installant six bornes et en renforçant les réseaux, pour 660 000 euros. L'électrique, c'est donc trois fois et demie le prix des camions plus le coût du raccordement et des bornes de recharge : l'investissement est colossal pour une entreprise. Sans clients pour nous accompagner, ce n'est pas la peine d'y aller.

Il faut donc accompagner les entreprises. Les appels à projets ont le mérite d'être là – il faut les maintenir, et augmenter l'enveloppe – mais ils posent deux problèmes : d'abord, ils sont complexes et peu accessibles à de petites et moyennes entreprises ; ensuite, l'aide arrive après l'acquisition, qui se fait au prix réel de vente, ce qui complique la démarche de prêt bancaire. C'est pourquoi il nous semble important de développer un autre modèle d'accompagnement des entreprises, beaucoup plus adapté aux PME : celui du bonus à l'acquisition, plus simple et plus efficace. Je comprends qu'il puisse poser un problème de maîtrise des budgets, mais l'approche de l'appel à projets est très limitative et freine beaucoup les PME.

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