Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi de nos collègues de La France insoumise. S'il pose une vraie question de fond, ce texte y apporte une réponse totalement démagogique. Car votre proposition, monsieur le rapporteur, est purement inopérante. C'est bien le constat qui est ressorti des auditions et qui a été rappelé durant les débats avec les collègues de la commission des affaires économiques.
Je m'explique. Cette proposition intervient dans un contexte inflationniste continu depuis plus de deux ans, déclenché au moment de la reprise post-covid de l'économie mondiale et alimenté depuis par les différentes crises internationales, notamment l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Il me semble important de rappeler que les sanctions internationales, en particulier contre le gaz et le pétrole russe, ont ainsi conduit à une flambée des coûts de production et de transport dans l'ensemble de la chaîne de valeur. La guerre sur le sol ukrainien a également agité les marchés des matières premières agricoles, notamment du blé, conduisant à des augmentations irrationnelles de leurs prix alors que le risque de pénurie était, selon les spécialistes, purement virtuel.
Cependant, l'inflation est devenue, elle, bien réelle dans le quotidien des Français, notamment sur les produits alimentaires, puisqu'elle a atteint 18 % depuis janvier sur ce marché. Nous comprenons donc totalement les motivations qui vous ont conduits à déposer ce texte. Toutefois, nous ne partageons pas les solutions que vous proposez.
Tout d'abord, vous constaterez comme moi que l'inflation alimentaire reflue, passant de 15 % sur un an en juin à 7,7 % en octobre. L'Insee annonce ce matin une inflation générale de 3,4 % sur un an en novembre, confirmant une baisse tendancielle.
S'agissant des marges des industriels, les auditions menées par M. le rapporteur ont permis de mettre en évidence le décalage entre la variation des prix des matières premières et celle des prix en rayon. Ainsi, au début de l'épisode inflationniste, les marges se sont contractées sous l'effet de l'augmentation du prix des intrants. C'est ensuite face à la persistance de l'inflation que les industriels ont décidé de rattraper les pertes subies en augmentant les prix et leurs marges, qui ont augmenté de 18 % au premier trimestre 2023.
Cependant, chers collègues de La France insoumise, vous qui souhaitez instaurer un contrôle aveugle des marges, savez-vous seulement qui est responsable de cette augmentation ? Ce ne sont certainement pas les PME – je peux vous l'assurer, car j'échange régulièrement avec elles. Ayant pris de plein fouet la hausse des coûts de l'énergie, elles ont voulu limiter la hausse de leurs prix afin de conserver leur courant d'affaires avec leurs clients et les consommateurs finaux.
Vous nous proposez un dispositif de contrôle des marges sans même établir de distinction entre les tailles d'entreprises et les différentes catégories de produits.
C'est pourquoi le groupe Démocrate a soutenu la proposition du collègue Dive visant à mandater l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, l'OFPM, pour effectuer des contrôles réguliers. Nous vous proposerons également, comme d'ailleurs les autres groupes de la majorité, de donner des moyens supplémentaires à cet organisme afin qu'il puisse mener des enquêtes en cas de soupçons de marges abusives.
Votre proposition, monsieur le rapporteur, pose la question du partage de la valeur tout au long de la chaîne agroalimentaire. Sur ce point, nous pouvons noter que si les prix des produits agricoles ont certes augmenté de 23 % en 2022, c'est parce qu'ils ont été poussés par une hausse de leurs coûts de production et des cours internationaux. Lorsque la baisse des prix interviendra, nous devrons nous assurer qu'elle ne se fera pas sur le dos des agriculteurs afin qu'ils soient payés au juste prix. C'est pour cette raison que nous sommes également opposés à la suppression du SRP + 10 tant qu'une évaluation complète du dispositif n'aura pas été réalisée. Parmi les nombreux défis que doivent relever nos agriculteurs, le premier est le renouvellement des générations grâce à un métier attractif. Or le revenu constitue forcément un critère en la matière.
L'enjeu du partage de la valeur doit être traité avec l'ensemble des acteurs concernés. C'est pourquoi, au groupe Démocrate, nous ne croyons pas que cette question se résoudra de manière verticale, dans le cadre d'une économie semi-administrée.