Dans 91 % des cas de violences sexuelles, les femmes connaissent leurs agresseurs : ce sont nos partenaires, nos amis, nos frères, nos collègues, nos conjoints souvent. En France, 213 000 femmes sont chaque année victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Plus d'une femme sur deux – une sur deux ! – a été ou sera harcelée et agressée sexuellement au cours de sa vie. C'est moi, c'est ma sœur, c'est vous, peut-être votre maman, votre fille, votre tante, votre compagne – nous toutes.
Cette réalité en masque une autre, glaçante : la moitié des féminicides ont lieu en zone rurale, alors même que seulement 30 % de la population y vit. On en parle peu. Nous, femmes des villages et des petites villes, en parlons tout aussi peu, malheureusement. Seulement un quart des appels pris en charge par le 3919 proviennent d'un département majoritairement rural. Sont en cause l'isolement, les grandes difficultés d'accès aux services publics et le manque de connaissance des droits, qui mène au non-recours. Ajoutez à cela le fait qu'en milieu rural tout le monde se connaît, la persistance de normes sociales genrées et la difficulté à se déplacer, conséquence des inégalités d'accès au permis de conduire ou du prix du carburant.
La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale avait déjà, il y a deux ans, rendu un rapport édifiant à ce sujet. Afin d'améliorer la vie et la sécurité des femmes en ruralité, il proposait soixante-dix mesures, dont certaines étaient urgentes : création de brigades de gendarmerie mobiles, de cellules spécialisées au sein des gendarmeries, de points d'écoute dans les maisons France Services, campagne de sensibilisation dans les écoles, désignation d'élus référents dans chaque équipe municipale.
Près de la moitié des quinze interventions pour des faits de violences intrafamiliales que mène toutes les heures la gendarmerie dans notre pays ont lieu dans ces territoires. Faute de services publics de proximité, les professionnels de santé, les associations et les élus locaux sont en première ligne pour tenter de venir en aide aux femmes victimes de violences dans les territoires ruraux. Je veux ici les en remercier.
Madame la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, il est grand temps que cette « grande cause du quinquennat » se concrétise dans nos campagnes, alors que les femmes sont, une fois de plus, les grandes oubliées de votre plan France ruralités. L'année dernière, lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), nous avions obtenu, dans l'ensemble des villages les plus petits et les plus enclavés de France, l'expérimentation pour cinq ans de brigades de gendarmerie mobiles dédiées au recueil de la parole des femmes victimes de violences. La mesure a été retoquée en commission mixte paritaire. J'ai une nouvelle fois proposé, il y a quelques semaines, lors de l'examen du budget, un soutien financier à ces expérimentations, lequel a été balayé par le 49.3.
Il est grand temps de cesser de sous-estimer ces violences. Les moyens destinés à la création de nouvelles brigades de gendarmerie n'ont pas été fléchés et les brigades existantes demeurent insuffisamment dotées pour lutter efficacement. J'en suis persuadée, les femmes rurales ne sont pas que des victimes. Elles sont les héroïnes d'un monde qui reste à construire, celui de l'égalité réelle. Quand allez-vous enfin amplifier et financer la lutte contre les violences faites aux femmes en milieu rural ?