La justice a rendu une ordonnance de non-lieu pour des raisons de prescription, principalement, alors même que l'empoisonnement de milliers de Guadeloupéens et de Martiniquais se poursuit. C'est pourquoi je me dois d'interroger l'État qui a activement contribué à la commercialisation de cette substance létale, malgré la connaissance de sa haute toxicité, et qui s'est rendu, de ce fait, complice et coresponsable de ce scandale.
En effet, les conséquences de ce qui peut être qualifié de crime contre l'humanité et d'écocide sont catastrophiques : outre les 95 % de personnes contaminées et l'impact sur la santé des peuples, il convient d'évoquer la grande majorité des terres polluées, les familles d'agriculteurs touchées et condamnées à souffrir, ou encore une économie de production locale affaiblie et fragilisée.
Malgré la reconnaissance par le Président de la République lui-même de la responsabilité de l'État, malgré le rapport de la commission d'enquête parlementaire présidée par Serge Letchimy et dont Justine Benin était la rapporteure, qui identifie clairement l'ensemble des responsabilités, dresse un diagnostic sans concession des dégâts humains, écologiques, environnementaux, économiques et sociaux et formule quarante-neuf recommandations pour sortir du chlordécone, malgré la reconnaissance de la négligence fautive de l'État par les juridictions, malgré la réalité, visible et durable, des conséquences de cet empoisonnement, l'autorité judiciaire, censée rendre justice à travers un droit pénal strict et froid, a prononcé un non-lieu pour prescription, tout en reconnaissant l'existence d'une catastrophe sanitaire.
Malgré un crime avéré et des coupables connus et nommés, la justice, impuissante, n'a émis aucune sanction, reconnaissant simplement que le code pénal est imparfait. Les personnes exposées au chlordécone sont victimes à la fois d'empoisonnement, d'injustice et d'absence de réparation : c'est tout à fait inacceptable. Il faut désormais agir. L'inadéquation de la loi pénale ayant été soulignée par les juges d'instruction, il convient de la modifier pour que justice soit enfin rendue. Réparons les imperfections juridiques et sortons des plans Chlordécone I, II, III ou IV, qui ne sont qu'une goutte d'eau dans un océan de souffrance. Faisons en sorte que le droit des Français soit garanti et que les victimes puissent vivre dans un environnement sain.
Permettez-moi de poser deux questions : acceptez-vous de mettre en place un processus juridique sécurisé, permettant de modifier le code pénal et de déroger au droit commun, afin de modifier les règles de prescription applicables à ce type de scandale sanitaire ? Envisagez-vous de lancer une loi de programmation de sortie du chlordécone, qui tienne compte des quarante-neuf recommandations formulées dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire ? J'ai soumis ces questions écrites à Mme la Première ministre en janvier 2023, sans réponse.