Quelle réparation écologique envisager ? D'abord, comme l'a souligné M. Pierre-Charles, la cartographie est réalisée à une échelle très insuffisante. Les résultats de la recherche sur la décontamination des sols montrent qu'on a des débuts de solution pour des surfaces équivalant à 100 mètres carrés. Par conséquent, pour chaque hectare, on devrait faire au minimum une centaine de prélèvements afin de cartographier au plus près les fortes concentrations de chlordécone : elles se situent sur des surfaces relativement réduites et sont les seules à pouvoir être efficacement décontaminées. À titre d'exemple, sur le terrain de mes parents, qui a bénéficié du programme jardins familiaux (Jafa) et qui mesure 2 000 mètres carrés, trois prélèvements seulement ont été réalisés, alors qu'il y en aurait fallu vingt. Les prélèvements précis sont la condition sine qua non pour aller chercher la chlordécone là où il est, dans les sols, et pour pouvoir le sortir des biens communs : les sols, les eaux et la biosphère.
Ensuite, l'aide aux pêcheurs est dramatiquement insuffisante. Ils pourraient travailler à décontaminer les eaux côtières, mais ils sont interdits de pêche. Il faudrait que le poisson pêché dans les eaux côtières, dont on sait qu'il est contaminé, soit traité non comme un aliment, mais comme un déchet toxique. Pour compenser le fait que ce poisson n'est pas consommable, il faudrait peut-être étudier la possibilité d'accords de pêche avec le Venezuela devenu en 1980, propriétaire de l'île d'Avès, qui faisait auparavant partie de la Guadeloupe. Ces eaux auraient pu être largement exploitées, sans être surexploitées, par nos pêcheurs.
Enfin, l'interdiction – ou de très fortes restrictions – de la chasse nous paraissent également indispensables, dans la mesure où les biocénoses qui sont chassées – oiseaux et chauve-souris – sont elles aussi contaminées au chlordécone. La réduction de la pression de chasse serait donc aussi un début de réparation écologique.