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Intervention de Janmari Flower

Séance en hémicycle du lundi 27 novembre 2023 à 16h00
Le chlordécone en martinique et en guadeloupe l'action de l'État face aux nécessaires réparations

Janmari Flower, président de l'association Vivre Guadeloupe :

Je souhaite d'abord remercier le groupe GDR – NUPES ainsi que le député Marcellin Nadeau de nous permettre de nous exprimer sur cette question. Je suis le président de l'association Vivre et je suis membre du Lyannaj pou depolye Gwadloup. Je développerai quatre points. Je livrerai d'abord une réaction à chaud sur la communication des gouvernements depuis 2017 et en particulier depuis 2022 sur cette question. Puis, je ferai une comparaison peut-être audacieuse mais utile entre la gestion de la récente crise du covid et celle de la crise du chlordécone, qui est beaucoup plus ancienne. Ensuite, je comparerai rapidement l'évolution de l'espérance de vie en outre-mer et dans l'Hexagone, en esquissant des parallèles avec d'autres scandales environnementaux et sanitaires, comme celui de l'amiante ou du sang contaminé. Enfin, je dirai quelques mots de ce qui est pour l'instant le grand absent, le préjudice écologique, et de son absence de réparation.

Premièrement, les actes du colloque qui s'est tenu du 12 au 14 décembre 2022 sur l'état des connaissances sur le chlordécone constituent un document assez équilibré et beaucoup plus nuancé que la communication du Gouvernement en 2023. En effet, cette dernière donne l'impression de chercher à décharger fortement l'État, notamment en ce qui concerne les prétendues solutions de décontamination des sols qui sont présentées comme pratiquement acquises et opérationnelles, alors que les actes du colloque établissent qu'il s'agit d'embryons de solutions qui ne sont pas du tout opérationnelles pour l'instant.

Il en va de même en ce qui concerne la contamination des milieux aquatiques. Le Gouvernement sous-entend qu'elle serait relativement contenue alors que nous savons que des cétacés, qui vivent pourtant très au large de nos côtes, sont contaminés à la chlordécone : tous ceux qui ont été testés sont contaminés.

Enfin, la cartographie des sols, qui est généralement considérée comme avancée, voire suffisante, est en réalité loin d'être assez précise : on voit flou, les mesures sont prises à une échelle trop large.

Deuxièmement, j'en viens à la comparaison entre covid et chlordécone : autant la gestion du covid nous paraît globalement exemplaire de la prise en compte de l'intérêt général de la population à long terme, autant la gestion du chlordécone, depuis son origine, dans les années 1960 et 1970, nous paraît avoir été faite, au contraire, au détriment de l'intérêt général et au profit d'intérêts catégoriels.

Troisièmement, si, depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusque dans les années 1970, l'espérance de vie a progressé à peu près à la même vitesse dans l'Hexagone et dans les départements d'outre-mer, on observe à partir des années 1970 que, dans les îles, l'allongement de l'espérance de vie a ralenti. On ne peut pas s'empêcher d'expliquer cette situation par des différences qui tiennent tant à l'usage de certains pesticides dont le chlordécone qu'au régime alimentaire.

En tout état de cause, des milliers de morts peuvent être attribués, depuis les années 1970, à l'usage du chlordécone. Par ce taux de mortalité, la crise du chlordécone est à rapprocher de l'affaire du sang contaminé ou à l'amiante. Elle crée des risques psychosociaux et sécuritaires, comme l'a dit M. Philippe Pierre-Charles.

Quatrièmement, le préjudice écologique, à savoir la contamination des sols, des eaux et de la biosphère, n'est absolument pas pris en considération, alors qu'il devrait faire l'objet d'une véritable et ambitieuse loi de programmation pour les dix ou quinze prochaines années. C'est nécessaire pour être à la hauteur du problème lui-même.

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