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Intervention de Philippe Pierre-Charles

Séance en hémicycle du lundi 27 novembre 2023 à 16h00
Le chlordécone en martinique et en guadeloupe l'action de l'État face aux nécessaires réparations

Philippe Pierre-Charles, porte-parole du Collectif pour dépolluer la Martinique :

Je remercie Marcellin Nadeau et son groupe politique d'avoir demandé l'organisation de ce débat. Sans reprendre le contenu des travaux parlementaires déjà menés, je tâcherai de vous exprimer ce que nous percevons du sentiment et des attentes de la population en la matière.

Il faut d'abord que chacun comprenne que si aucun changement significatif n'intervient malgré les dizaines de réunions publiques, de rassemblements, de manifestations de rue, d'opérations coup de poing et de campagnes médiatiques, les choses prendront une autre tournure : nous assisterons à une véritable explosion sociale. Il importe de prendre la mesure du fossé creusé entre le pouvoir politique et la population par la chaîne de crimes qu'on résume en un mot, chlordécone.

Le tribunal administratif de Paris a dénoncé les négligences coupables de l'État ; le Président de la République a reconnu la responsabilité de l'État. Il reste à espérer que les parlementaires obtiendront de l'État qu'il nomme les autres responsables et leur fasse porter les conséquences de leurs actes, d'autant que la population sait bien que nombre de ces responsables sont clairement identifiés. Dans le secret de son bureau, le préfet a reconnu la responsabilité morale des grands planteurs pollueurs ; il est inadmissible qu'aucun d'entre eux n'ait été sanctionné après avoir contribué à une telle catastrophe. Le peuple veut obtenir la vérité, encore très partielle, la justice, encore inexistante, et des réparations, car celles qui ont été accordées pour l'instant sont dérisoires.

Le président de la commission d'enquête parlementaire sur l'utilisation du chlordécone et du paraquat, M. Serge Letchimy, a qualifié à plusieurs reprises de « dérisoires » ou encore de « miettes » les sommes versées à titre de réparation. Je rappelle qu'elles sont inférieures aux subventions perçues chaque année par les gros planteurs dans le cadre de la politique française de l'eau. Pourtant, nous avons affaire à un écocide touchant tous les aspects de la vie en Martinique et en Guadeloupe. C'est inacceptable ! Toutes les politiques publiques concernant la Martinique et la Guadeloupe devraient être évaluées à travers le prisme du chlordécone, qu'il s'agisse de la santé, de la recherche scientifique, de l'agriculture, de la pêche, des résultats scolaires, de la situation particulière des ouvriers agricoles, de la situation des femmes, de la détresse des aînés, du sort des générations futures, de la démographie ou même de la démocratie sociale et politique la plus élémentaire.

La population possède la certitude que des moyens autrement élevés auraient été mis en œuvre si une telle catastrophe avait touché l'Hexagone. Un an après la crise de la vache folle, la traçabilité de la viande hexagonale était assurée ; plus d'un demi-siècle après le scandale du chlordécone, nous en sommes toujours à demander la traçabilité du contenu de nos assiettes. J'insiste sur le fait que nous demandons que nos aliments contiennent zéro chlordécone, non un résidu inférieur à telle ou telle limite. Un an pour l'Hexagone, plus de cinquante pour la Martinique et la Guadeloupe ; et ce n'est pas fini.

En ce qui concerne la réparation, question qui concerne plus directement la représentation parlementaire, la population réclame un plan pluriannuel résultant d'une véritable négociation entre l'État, les collectivités locales et le mouvement social, très impliqué dans ce combat. Nous demandons également l'organisation d'un audit indépendant visant à évaluer l'ampleur des moyens financiers nécessaires pour suppléer à l'insuffisance actuelle des moyens, dont les conclusions seront communiquées à l'ensemble de la population. Enfin, nous réclamons que les réparations soient pilotées conjointement par l'État, par les collectivités locales et par le mouvement social ; il s'agit d'une condition indispensable à la confiance en l'action publique et en sa capacité à faire changer les choses.

En un mot, soit nous sortons par le haut de la catastrophe du chlordécone, soit personne ne pourra plus répondre de rien.

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