…où un conflit moral commence à saisir le sujet-professeur : il voit bien que ce qu'il est en train de faire n'est pas normal. Il est conscient du rôle de la recherche scientifique, qui n'est pas de faire souffrir : un laboratoire scientifique n'est pas censé être un espace de torture. À chaque hésitation du professeur, le scientifique l'enjoint de poursuivre, d'abord en le priant de continuer, puis en lui disant que l'expérience exige qu'il continue, puis qu'il est absolument indispensable qu'il continue, et enfin qu'il n'a pas le choix, qu'il doit obéir.
En réalité, l'expérience de Milgram vise à évaluer le degré d'obéissance d'un individu à l'autorité – à une autorité perçue comme légitime –, en l'occurrence le degré d'obéissance du professeur, à qui l'on finit par dévoiler que l'élève était en fait un acteur et qu'il n'a jamais été soumis aux électrodes. Ce qui est testé, c'est donc la soumission, entendue comme une action qui va à l'encontre de la conscience morale de l'individu, qui crée un conflit moral.
Serions-nous, en tant que parlementaires, madame la Première ministre, les sujets d'une expérience de Milgram d'un genre nouveau, destinée à évaluer le degré de soumission de la représentation nationale à une autorité, celle de l'exécutif, qui nous contraindrait à envoyer des décharges de plus en plus fortes à la démocratie, jusqu'à la faire s'écrouler ?