Les programmes 112, 147 et 162 qu'il me revient de présenter interviennent dans un contexte de profondes inégalités territoriales que les politiques publiques, malgré toutes les bonnes volontés des élus locaux, des services de l'État, des associations et des habitants, n'ont pas réussi à contrecarrer. Les récentes émeutes urbaines, qui ne sont excusables en aucune façon, traduisent aussi un échec de la République dans l'exigence d'égalité territoriale. Les auditions que j'ai menées ont laissé apparaître, notamment de la part des représentants d'associations d'élus, la volonté d'être traités non pas à part, pour ce qui concerne les quartiers populaires ou la ruralité, mais bien à égalité. Si l'on considère l'apport global de l'État, c'est-à-dire le salaire des enseignants, les sorties, l'accès aux documentations, etc., un lycéen du lycée Louis-le-Grand à Paris est mieux doté par l'État qu'un lycéen du lycée Édouard Vaillant de Vierzon ou du lycée Maurice Utrillo de Stains. Parfois le droit commun est le meilleur garant de la République et de l'égalité, et ceci doit demeurer notre ligne de conduite. Je ne doute pas que ces sujets sont au cœur des discussions du comité interministériel de la ville (CIV), qui se tient aujourd'hui enfin après de multiples reculs et ne saurait se limiter à des préoccupations strictement sécuritaires.
J'en viens aux programmes proprement dits. L'augmentation de 9 % en crédits de paiement de l'enveloppe globale traduit des réalités bien différentes selon les programmes. Pour le programme 112, les annuités des contrats de plan État-région (CPER) et des contrats de plan interrégionaux État-régions (CPIER) sont sanctuarisées, ce qui représente une bonne nouvelle. L'augmentation du soutien financier de l'État aux France Services est enclenchée, conformément à ce que nous avions demandé l'an passé. Mais nous serons vigilants quant à sa trajectoire et, surtout, cette augmentation ne résout pas toutes les difficultés puisque plus des deux tiers restent à la charge des collectivités locales. La mise en œuvre du programme « France Ruralités » devrait attirer notre attention sur l'articulation entre les chefs de projet du programme « Villages d'avenir » qui s'inscrit dans « France Ruralités » et les chefs de projet « Petites villes de demain » (PVD), qui n'est pas actée dans le budget. Une enveloppe de 11 millions d'euros est annoncée pour renforcer le maillage territorial des tiers-lieux. Le principal défaut du programme 112 reste, à mon sens, l'insuffisance des crédits alloués à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour des missions qui nécessitent de plus en plus de liens avec les élus territoriaux. Dans ces conditions, je considère que l'ANCT ne sera pas en mesure de remplir toutes ses missions.
Pour ce qui est du programme 147, je ne reviens pas sur la gifle que fut l'annulation du CIV du 9 octobre dernier. Il est essentiel de battre en brèche la petite musique du « pognon de dingue » qui serait dépensé dans les quartiers. M. François Cornut-Gentille, député de cette même commission lors de la précédente législature et auteur d'un rapport d'information, déclarait, en évoquant le département de la Seine-Saint-Denis, que « les moyens de la politique de la ville ne peuvent combler le déficit des services public s ». Quand l'éducation, les services de santé, les services de tranquillité publique ou de l'emploi fonctionnent au mieux, les quartiers populaires de nos villes et de nos métropoles constituent une formidable source de réussite. Mais il faut pour cela choisir les bonnes priorités. La généralisation des cités éducatives portée par le programme 147 est une initiative positive. En revanche, arrêter, pour financer cette généralisation, les bataillons de la prévention, avant même d'avoir procédé à une évaluation fiable et une éventuelle réorientation, me semble être une décision injustifiable et incompréhensible que je vous inviterai à reconsidérer.
L'autre difficulté majeure du programme 147 repose sur le financement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Ce financement reste très en-deçà des engagements pris lors du CIV du 29 janvier 2021 annonçant une enveloppe supplémentaire de l'Etat de 200 millions d'euros. L'État, qui s'est engagé à verser 1,2 milliard d'euros sur l'ensemble de la durée du NPNRU, n'aura déboursé que 200 millions de 2018 à 2024. La marche risque d'être haute les prochaines années, d'autant que les décaissements vont croissant et que la trésorerie de l'ANRU risque de se trouver en difficulté d'ici douze à quinze mois. Nous plaidons pour le respect des engagements.
J'en terminerai avec le programme 162. La plupart des constats réalisés l'année dernière restent d'actualité. Le renforcement des contraintes sur les agriculteurs bretons pour lutter contre les algues vertes passe aussi par des aides incitatives qu'il convient d'augmenter. Le plan de lutte contre les sargasses est intéressant, mais, faute de moyens suffisants, demeure trop artisanal. Quant au chlordécone, tant dans le cadre de la semaine de contrôle le 27 novembre que lors de la niche parlementaire du groupe GDR, ce groupe, auquel j'appartiens, portera l'idée de la création d'un établissement public chargé de l'observation, de la prévention et de l'indemnisation des populations confrontées à cette pollution dans les Antilles. Nous proposerons de ne pas supprimer de crédits dans ce budget pour la lutte contre le chlordécone. Enfin, concernant la Guyane, la hausse de 50 millions d'euros annoncée par M. Philippe Vigier au titre du contrat de convergence et de transformation, ministre délégué chargé des Outre-mer, ne se traduit pas dans le programme 162 et nous n'en trouvons nulle part la trace.