C'est vrai, nos instituts se sont historiquement construits par filière – Arvalis a 60 ans, ce n'est pas rien. Mais nous avons viré notre cuti ! Nous menons des essais système, nous réfléchissons sur les rotations. Nous consacrons d'importantes ressources aux projets Syppre et Acclimate. De la même manière, nous allons chercher des agriculteurs experts ou innovateurs, nous ne nous interdisons aucun partenariat. Nous ne travaillons plus jamais seuls.
Vous posez la question de l'aval. Il me semble que c'est une question qui s'adresse plutôt aux interprofessions qu'aux instituts : il faut des contacts, des discussions, et c'est le rôle des interprofessions ; la loi de 2014 leur en donne la responsabilité. Mais nous nous interrogeons nous aussi. En tant qu'agricultrice, je refuse de perdre mon indépendance dans le choix de mes cultures et de mes variétés parce que je serais aux ordres d'un acheteur : nous ne promouvons pas un modèle d'agriculture dans lequel l'acheteur principal dit au paysan comment il doit travailler. Dans nos instituts, nous préférons garder notre indépendance pour réfléchir à nos sujets agricolo-agricoles.
S'agissant de votre question sur l'alimentation, nous n'avons pas la réponse. J'y retrouve les débats que nous avons au Conseil économique, social et environnemental : quel est le pouvoir du citoyen consommateur ? Comment peut-il agir sur le modèle agricole ? Nous verrons bien. Mais les travaux du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc) et de la cellule de prospective du ministère de l'agriculture montrent des changements de comportement alimentaire dans les nouvelles générations qui auront de grandes conséquences pour l'agriculture.
Vous abordez enfin la question internationale. Dans les projets européens comme Horizon 2020, les instituts techniques agricoles sont les meilleurs élèves de la classe – nous sommes même devant l'Inrae, ce que je ne manque jamais de rappeler à Philippe Mauguin. Notre taux de réussite est supérieur à 30 %. Pour la première fois, Arvalis s'est vu confier le pilotage d'un projet qui rassemble vingt-quatre partenaires parmi lesquels différents pays européens mais aussi plus lointains comme l'Afrique du Sud. Nous évoquions les pertes de surface en blé dur, qui posent d'ailleurs aussi problème aux derniers industriels qui ont encore des usines sur le territoire français – s'il n'y a plus de blé local, ils ne resteront pas. Sur ce sujet, nous travaillons avec le Portugal, l'Italie, qui dispose de la plus importante collection génétique, la Tunisie, le Mexique, l'Australie. Le conseil scientifique de l'Acta, l'association qui réunit les instituts techniques agricoles, a insisté sur cette nécessité de déploiement international. Nous y veillons beaucoup.
Le bureau de l'Acta a d'ailleurs prévu un déplacement à Wageningue, dont vous n'ignorez pas la réputation, pour étudier leurs façons de travailler, comment ils opèrent le transfert, comment ils parlent à leurs agriculteurs.