Les oléagineux – colza, tournesol et lin – et les légumineuses à graines – dont le soja – représentent 2,5 millions d'hectares au maximum sur les 12,8 millions d'hectares des grandes cultures, et cette proportion s'est plutôt réduite. L'objectif du plan Protéines végétales est de passer à 3 millions d'hectares, avec des légumineuses sur les 500 000 hectares supplémentaires. La question, c'est de savoir où seront pris ces 500 000 hectares.
Nous connaissons bien les oléagineux, et nous disposons de solutions notamment de réduction des indices de fréquence de traitement phytopharmaceutique (IFT) ; nous avons travaillé avec des agriculteurs qui ont beaucoup gagné en rendement, en marge. C'est ce que l'on a appelé le colza robuste. Le problème, dans ce cas, c'est le transfert.
La désintermédiation est alors fondamentale. Pendant des décennies, nos instituts travaillaient de façon très verticale avec les techniciens de développement, qui eux-mêmes s'adressaient ensuite aux agriculteurs. Grâce aux outils numériques, nous pouvons parler directement à ces derniers alors que mon prédécesseur, directeur de ce qui s'appelait le Centre technique interprofessionnel des oléagineux métropolitains (Cetiom), était convoqué par les coopératives s'il osait discuter avec des agriculteurs… Nous travaillons maintenant de façon tripartite, tant directement avec des agriculteurs experts qu'avec les techniciens qui accompagnent d'autres agriculteurs. L'ensemble fonctionne mieux, mais il y a encore du travail : nous avons face à nous 100 000 producteurs, et nous pouvons en toucher directement une dizaine de milliers.
Sur le colza et le tournesol, nous pensons pouvoir réussir le transfert : les filières sont structurées, la robustesse est connue. Nous rencontrons un problème sur les légumineuses à graines. Il y a une vraie demande. Les filières sont plus ou moins structurées : celle du pois l'est, celle de la féverole moins ; sur les légumes secs, tout reste à faire ; sur les fourrages déshydratés, il y a encore du travail. Il faut montrer l'intérêt à produire, à la fois sur le plan technique et sur le plan économique. Des connaissances sont nécessaires. Le défi, s'agissant des légumineuses, c'est d'arriver à convaincre un agriculteur qui doit se diversifier, et perdre une partie de son volume de production, qu'il a intérêt à introduire des légumineuses à des moments où c'est important, et à des niveaux qui restent modestes mais qui sont des verrous : 500 000 hectares de légumineuses, c'est une transformation majeure, alors que cela reste modeste à l'échelle de la ferme France – aujourd'hui essentiellement céréalière, et il n'est pas question de revenir sur cet aspect.