Nous abordons un moment parlementaire particulièrement important pour nos concitoyens. Oui, il me suffit d'écouter les hommes et les femmes de mon territoire pour l'affirmer : tout le monde attend de l'État qu'il soit présent ; tout le monde – les agriculteurs, les entreprises, les ménages, les collectivités – attend un État interventionniste, un État régulateur.
Vous avez été confrontés à des crises et s'agissant des plus récentes, il vous a suffi, parce que c'était possible, parce que c'était facile, d'activer la dette pour soutenir l'économie et – partiellement – les ménages. Aujourd'hui, c'est bien différent : l'inflation et les taux d'intérêt galopent, la dette nous a rattrapés. Face à une telle situation, vous savez que la croissance et les économies en matière de dépense publique ne suffiront pas à satisfaire les multiples attentes. Dans une logique d'équilibre budgétaire, la recherche de nouvelles recettes s'imposait, à condition, bien entendu, de leur donner un caractère solidaire et équitable.
Et pourtant vous ne revenez pas sur l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), vous ne touchez pas à l'impôt sur les revenus du capital, pas plus qu'au prélèvement forfaitaire unique (PFU) ; vous faites semblant de taxer les superprofits, vous restez inactifs en matière de fraude fiscale, et j'en passe. Votre entêtement et votre dogmatisme conduisent à redistribuer moins à ceux qui en ont pourtant le plus besoin. Qu'importent leurs attentes, qu'importent les souffrances sociales, qu'importent les difficultés économiques. Sur tous les enjeux essentiels, que ce soit le pouvoir d'achat des ménages ou l'aide aux petites entreprises et aux agriculteurs qui n'en peuvent plus, on est donc loin du compte.
Pire encore, votre budget promet une cure d'austérité, que vous souhaitez voir supportée par les collectivités. C'est la raison pour laquelle les associations d'élus le considèrent comme « calamiteux », « hors-sol », « déconnecté de la réalité » et comme manquant « au principe de libre administration ». Vous avez fait l'unanimité, mais l'unanimité contre vous.
La vérité, c'est que nos collectivités savent anticiper, gérer, accompagner les crises ; vous leur devez reconnaissance et soutien. La vérité, c'est que les marges vont être consommées par l'inflation. Monsieur le ministre délégué, le filet de sécurité de 430 millions d'euros, adopté cet été, n'y suffira pas : on attend de vous un prolongement chiffré de la mesure. La vérité, c'est que l'épargne des collectivités va être majoritairement orientée vers leurs dépenses de fonctionnement ; nous courons le risque grave de voir l'investissement sacrifié, aux dépens de l'économie locale et de la filière du BTP.
Si vous partagez cette vision, alors vous reviendrez sur la suppression de la CVAE. Le groupe LIOT voit dans cette mesure plusieurs écueils. Premièrement, le coût de la mesure – près de 8 milliards d'euros sur deux ans – est difficilement compréhensible dans le contexte budgétaire actuel et face à l'urgence qu'il y a à financer des mesures en réponse à l'inflation.
Le deuxième écueil, c'est l'absence de ciblage : la baisse annoncée sera indifférenciée. Résultat, les deux tiers de l'enveloppe seront captés par les plus grandes entreprises ; pire, des secteurs qui n'ont pas sollicité d'aide en bénéficieront fortement, à l'image des activités financières et du secteur de l'assurance.
Enfin, la part dynamique de la fraction de TVA censée compenser la perte de CVAE pour les départements alimente un fonds qui sera réparti suivant un critère de « dynamisme économique » – celui-ci ne relève d'ailleurs pas d'une compétence départementale. En deux mots, vous manquez une occasion d'opérer une péréquation au profit des départements qui connaissent le plus de difficultés. C'est pourquoi nous vous proposerons l'introduction de critères sociaux pour effectuer cette répartition.
Vous l'aurez compris, le groupe LIOT est opposé à la suppression de la CVAE. À l'inverse, nous demandons la reconduction du filet de sécurité relatif à l'inflation, afin d'éviter que les usagers des territoires ruraux et des communes pauvres ne soient privés de services publics essentiels.
Pour les élus des territoires que nous sommes, la dotation globale de fonctionnement des communes (DGF) constitue un deuxième sujet de blocage. Monsieur le ministre délégué, lorsque vous prévoyez une stabilité de la DGF autour de 26 milliards d'euros, vous n'y croyez pas vous-même et vous savez qu'il s'agit-là d'un véritable trompe-l'œil budgétaire. L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) voit dans cette absence d'indexation un prélèvement de l'État de près de 1 milliard d'euros, et vos amendements de dernière minute couvrent à peine la moitié de cette somme.
Au groupe LIOT, nous n'avons pas peur de dire que nos collectivités sont les amortisseurs de chaque crise, qui permettent à la France de se relever à chacune d'entre elles. Les collectivités sont tout à la fois des acteurs économiques prépondérants et des artisans de la République, partout sur le territoire. Les élus locaux ont besoin de visibilité et de confiance, et cette confiance passe par une stabilité des ressources, donc par une indexation de la DGF sur l'inflation. À l'heure des choix, ne tournez pas le dos aux acteurs de la République ; ne tournez pas le dos aux territoires.