Intervention de Julien Denormandie

Réunion du mercredi 15 novembre 2023 à 15h00
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Julien Denormandie, ministre de l'agriculture entre 2020 et 2022 :

L'interministérialité est évidemment nécessaire. En outre, plus on parvient à rassembler les moyens d'une politique, plus l'efficacité est grande ; néanmoins, cette recommandation est bien plus délicate à mettre en œuvre qu'à formuler : nous avons tous payé pour voir et constaté la difficulté de supprimer des lignes de crédits. Vous-même, vous m'auriez peut-être appelé, monsieur le rapporteur, pour me dire que telle ligne budgétaire ne devait pas disparaître.

J'ai un immense respect pour l'Inrae que je soutiens profondément, mais les politiques doivent porter une vision et définir des priorités, lesquelles doivent ensuite se décliner dans tous les domaines des politiques publiques concernées. C'est compliqué, car il importe également que les chercheurs conservent leur liberté, d'autant que ceux qui dirigent cet organisme bénéficient d'une pleine indépendance ; il faut toutefois définir des priorités d'action, et cette responsabilité incombe à l'autorité politique.

Les politiques publiques comme celle de la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires peuvent susciter des tensions entre les ministères, ce qui est bien normal – la fonction de Premier ministre est d'ailleurs d'arbitrer les désaccords entre les ministres. Clin d'œil à vos propos sur la première campagne présidentielle d'Emmanuel Macron en 2017, le Président de la République a annoncé, lors de sa seconde campagne présidentielle, la création d'un secrétariat général à la planification écologique – effective depuis le 7 juillet 2022 – : le rôle du secrétaire général, rattaché à la Première ministre, est justement de s'assurer que tous les départements ministériels partagent et mettent en œuvre la même vision.

Une grande partie des décisions que j'ai prises en tant que ministre de l'agriculture et de l'alimentation ont fait l'objet de recours devant le tribunal administratif – même une foire aux questions a été traduite devant la justice. Mes décisions s'appuyaient très souvent sur les travaux de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) – le statut de cet établissement public administratif est particulier puisque ses avis ont une valeur contraignante. Le juge administratif se fonde sur les décisions de l'Agence pour se prononcer sur le recours formé contre la décision du ministre : quelle est la place de la décision et de la priorité politiques dans un tel système ? Cette question importante est complexe. Je suis très démocrate, je crois que la justice est le pilier de notre République et je suis un ingénieur amoureux de la science, mais il faut avoir le courage de se pencher sur la question essentielle et difficile de la place de la décision politique.

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