Il est effectivement essentiel de renforcer la recherche sur l'effet cocktail. Le développement de la phyto-pharmacovigilance, en lien avec l'Anses, doit nous permettre de mieux connaître les conséquences de l'exposition à un ou plusieurs produits phytosanitaires et d'analyser l'effet cocktail, mais aussi l'effet dose. Il faut arriver à déterminer quel produit a été utilisé, dans quelles quantités et à quel endroit. La nouvelle stratégie Écophyto 2030 va améliorer le recueil d'informations, notamment en numérisant le processus. Nous disposons déjà de l'étude Esteban, qui a mesuré l'exposition des Français à cinq familles de pesticides : elle montre que si le niveau d'exposition semble diminuer, il varie en fonction des substances et des classes d'âge, et qu'une part non négligeable de la population est encore exposée à des substances aujourd'hui interdites.
La réunion du 30 octobre n'avait pas pour objet la présentation du plan Écophyto 2030 mais le lancement d'une consultation qui doit déboucher sur un tel plan pour le début de l'année 2024 – lequel pourra aussi être enrichi par les préconisations de votre commission d'enquête.
En quoi le ministère de la santé contribue-t-il à l'élaboration de cette stratégie ? Nous avons formulé des préconisations dans six domaines : déployer sur tout le territoire national, y compris en outre-mer, l'outil de signalement des expositions aux produits phytopharmaceutiques, à l'image des outils PhytoSignal ou Phytoréponse déjà expérimentés dans certaines régions ; sensibiliser les professionnels de santé à la question des maladies professionnelles liées à l'usage de produits phytopharmaceutiques et à la question de l'exposition des riverains et des personnes vulnérables ; envisager, après une étude de faisabilité pilotée par le ministère de la santé, la possibilité de mettre en œuvre et de financer un dispositif d'indemnisation des riverains, à l'instar de la prise en charge des victimes professionnelles d'ores et déjà prévue dans le cadre du FIVP ; étudier les suites – y compris réglementaires, si nécessaire – à donner aux résultats des études les plus récentes, telles que Géocap-Agri ou PestiRiv, au niveau national et européen ; intégrer le comité de suivi des études nationales sur les produits phytopharmaceutiques et la santé, piloté par la DGS, à la gouvernance du plan Écophyto 2030 et lui donner une dimension plus globale ; renforcer, enfin, les contrôles sur la conformité des pulvérisateurs, en raison des risques de dérive.
J'en viens au glyphosate, dont les effets sur la santé humaine font, depuis plusieurs années, l'objet de controverses. Il y a des divergences entre les instances internationales sur son potentiel cancérogène. Le centre international de recherche sur le cancer a classé le glyphosate dans la catégorie 2A des cancérogènes probables. C'est dans ce contexte qu'en 2017, le Président de la République a demandé de prendre les dispositions nécessaires pour que l'utilisation de ce produit soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées. En 2019, une réévaluation au niveau européen a été lancée par un consortium de pays membres, dont la France, et de nouvelles études fournies par le fabricant ont été transmises à l'Agence européenne des produits chimiques (Echa) et à l'Efsa.
Ces expertises ont conclu en 2022 que la substance ne présentait pas les critères scientifiques requis pour être classée dans la catégorie des substances CMR. L'Efsa a indiqué que l'évaluation de l'impact du glyphosate sur la santé humaine, la santé animale et l'environnement n'avait pas identifié de domaine de préoccupation critique. Le ministère de la santé et de la prévention est parfaitement aligné avec la position adoptée par la France à plusieurs reprises : nous considérons que le glyphosate est une substance dont l'utilisation doit être réduite à l'échelle européenne et limitée aux usages pour lesquels il n'existe pas d'alternative. Pour toutes ces raisons, et au regard des connaissances actuelles, nous serions favorables à ce que l'utilisation du glyphosate soit autorisée pendant une durée beaucoup plus courte que les dix ans proposés. C'est pourquoi le ministère de la santé et de la prévention plaide pour une abstention sur ce vote, sans présager de la position qui sera finalement tenue.