Intervention de Pierre-Marie Aubert

Réunion du mardi 14 novembre 2023 à 17h30
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Pierre-Marie Aubert, directeur du programme Politiques agricoles et alimentaires à l'Institut du développement durable et des relations internationales :

Pourquoi n'a-t-on pas parlé de scénario bio dans le cadre de Tyfa ? C'est principalement parce que nous suivions, au début de notre travail, une logique agroécologique dans laquelle la question des structures paysagères nous importait au moins autant que celle des intrants et que ce critère ne fait pas partie du cahier des charges bio. Nous n'étions pas forcément partis dans cette direction, mais il se trouve que nous avons fini avec un scénario zéro azote minéral et zéro pesticide : cela ressemble fortement à du bio, mais l'intention et la philosophie étaient beaucoup plus agroécologiques que bio au sens d'un cahier des charges étroit et nous en sommes donc restés là.

Nous discutons avec les opérateurs de l'agriculture bio, qui se sont réunis au sein de Biovaleurs. Ils nous disent qu'ils ont profité pendant vingt ans du fait que la société voyait le bio d'un bon œil, même s'il existait des différences selon les catégories sociales – cela pouvait être considéré comme une distinction au sens où Bourdieu l'entendait. Depuis deux ou trois ans, voire un peu plus, un retournement progressif se déroule selon deux axes. D'abord, beaucoup d'éléments qui font désormais partie du débat conduisent à se dire qu'il faut faire attention, parce que la bio n'est pas forcément bonne pour le climat : la condition à respecter concernerait plutôt le régime alimentaire, et c'est vrai – nous en avons parlé. À cela s'est ajoutée toute une série de remises en cause de la réalité du zéro phyto et de l'innocuité pour la santé. La filière n'a pas réussi à rebondir, elle n'a pas su proposer un contre-narratif – et elle ne s'est pas organisée pour le faire.

Je tiens à préciser, néanmoins, que l'évolution du marché bio n'est pas du tout similaire dans tous les pays d'Europe. J'en ai discuté la semaine dernière avec des collègues danois : chez eux, la filière se maintient, bon an, mal an – elle n'est pas en croissance, mais elle ne subit pas une chute semblable à celle qui a lieu en France.

Il me semble, pour revenir à la question des contraintes à prendre en compte, que la bio souffre d'un déficit de légitimité face à ce qui est considéré par beaucoup de Français comme la priorité, c'est-à-dire le climat.

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