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Intervention de Pierre-Marie Aubert

Réunion du mardi 14 novembre 2023 à 17h30
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Pierre-Marie Aubert, directeur du programme Politiques agricoles et alimentaires à l'Institut du développement durable et des relations internationales :

Je ne suis pas sûr de pouvoir dire toute la vérité, mais je vais vous indiquer ce que je vois dans le cadre de mes travaux et ce que sont mes convictions à l'heure actuelle – elles changeront peut-être dans six mois, car j'aurai mené d'autres études.

Vous trouverez peut-être que c'est cynique, mais dépenser de l'argent public dans la santé et la dépollution, c'est bon pour le PIB. Construire une usine de dépollution, c'est un investissement qui fait tourner l'argent et crée de l'emploi. Ce que certains pensent être ou veulent faire passer pour des coûts cachés qui seraient négatifs sont en fait des outils qui permettent à l'économie de tourner. S'il n'y a plus d'opportunités d'investissement, peu importe la raison pour laquelle on investit, notre système économique actuel s'arrête. Le système agroécologique dessiné dans le scénario Tyfa ( Ten Years for Agroecology – dix ans pour l'agroécologie) n'a aucune existence possible dans une économie de marché telle que la nôtre : elle a besoin d'investissements pour fonctionner. On dit qu'il faudrait, au lieu de créer des opportunités d'investissement dans l'agriculture, développer du travail de bonne qualité, qui a du sens et qui fait vivre les campagnes et les gens. Or, à l'heure actuelle, qu'on le veuille ou non, il est bénéfique pour l'industrie et l'économie dans son ensemble de construire, par exemple, des robots de traite.

On peut mettre 1 milliard d'euros de plus dans la transition écologique pour construire des méthaniseurs ou des robots de traite et produire des poulets en 22 jours au lieu de 28 : on sait investir pour assurer l'efficience climatique. En revanche, investir pour réaliser la transition agroécologique, on ne sait pas le faire, il ne faut pas se mentir. Les Danois nous demandent ce qu'est l'agroécologie… Ils nous disent que ce qu'ils savent faire, c'est produire du porc avec un indice de consommation qui descend à 3,2, acidifier les lisiers, les méthaniser et les traiter avec de gros robots pour faire passer l'efficience de l'azote de 60 % à 70 %. Si on demande de l'argent à la Commission européenne, c'est ce qu'elle va financer, et non une baisse de l'utilisation des phytos, à moins que l'on soit capable de montrer qu'on le fait avec des robots, qui représentent des opportunités d'investissement et vont permettre de développer un marché et de faire tourner l'argent, même si ça supprime de la main-d'œuvre. Je le dis sans acrimonie : c'est la manière de faire aujourd'hui, et on ne sait pas s'y prendre autrement.

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