Intervention de Pierre-Marie Aubert

Réunion du mardi 14 novembre 2023 à 17h30
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Pierre-Marie Aubert, directeur du programme Politiques agricoles et alimentaires à l'Institut du développement durable et des relations internationales :

Vous l'avez indiqué, monsieur le président : qu'on s'en réjouisse ou qu'on s'en désole, l'exploitation agricole standardisée, concentrée et spécialisée est celle qui a les coûts de production à l'hectare et au quintal les plus faibles. À prix constants dans la chaîne de valeur, il est difficile de faire autrement que de continuer à subventionner les plus gros : ce sont eux qui permettent les prix actuels. Nous avons fait un travail de modélisation sur la transition pour la production de lait : tant que le prix de l'argent n'est pas élevé – en dessous d'un taux moyen de 2 % –, il est beaucoup plus rentable d'acheter un robot que d'avoir une personne qui travaille. Si les taux moyens passent à 6 ou 7 %, c'est un peu différent, mais quand l'argent n'est pas cher, les petites fermes ayant une forte intensité de main-d'œuvre ne sont pas très intéressantes du point de vue du coût à la tonne, pour le blé ou pour le lait. La réallocation que vous avez évoquée est peut-être possible et souhaitable pour des questions de justice sociale, de vitalisation des campagnes et de démocratie sur le plan alimentaire, dans les campagnes ou les syndicats, mais nous sommes confrontés à une contrainte économique.

Puisque vous m'avez demandé de parler vrai, plutôt que d'être politiquement correct, je vais vous dire la réaction d'un auditoire agricole auquel nous avons présenté, mi-2021, les résultats de notre étude « Vers une transition juste des systèmes alimentaires », dans laquelle nous disions que si on se centrait exclusivement sur le carbone, on pourrait se débrouiller pour atteindre les objectifs prévus en 2030 en poursuivant les tendances actuelles, notamment la concentration des fermes, mais qu'on flinguerait le tissu rural, la nutrition et la biodiversité, et que si on voulait un scénario un peu plus multifonctionnel, les conditions de marché actuelles n'étaient pas adaptées – pour avoir des fermes un peu plus petites, se caractérisant par moins d'intensité capitalistique, reprenables, etc., alors il faudrait changer les politiques publiques. La réaction a été la suivante : « On a bien raison de ne pas vouloir de petites fermes ».

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