Intervention de Pierre-Marie Aubert

Réunion du mardi 14 novembre 2023 à 17h30
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Pierre-Marie Aubert, directeur du programme Politiques agricoles et alimentaires à l'Institut du développement durable et des relations internationales :

Le connaissant, je ne pense pas qu'il compte la défiscalisation parmi les dépenses publiques – c'est effectivement une absence de recettes.

La PAC, comme vous le savez, représente un tiers du budget européen dans un contexte marqué par des priorités géostratégiques, des questions de défense, d'élargissement et de décarbonation. Sur ce dernier point, comme le dit Pascal Canfin, on a déjà fait tout ce qu'on pouvait du point de vue des règles. Il faut donc, pour la décarbonation de l'industrie et de l'énergie, mettre de l'argent sur la table. Dans ces conditions, la probabilité d'une inversion de la courbe actuelle, qui traduit un fléchissement progressif des crédits européens pour la politique agricole commune, est à mon avis proche de zéro. On peut toujours dire que la Commission européenne n'a qu'à augmenter les ressources propres, mais comment ? L'ETS (système d'échange de quotas d'émission) va-t-il rapporter de l'argent ? Je ne le crois pas, en tout cas pas à la hauteur de l'augmentation des enveloppes qu'on pourrait imaginer.

Existe-t-il des marges de manœuvre pour augmenter le soutien public à l'agriculture ? Compte tenu du fait que les pays occidentaux, l'Europe et les États-Unis en tête, sont déjà ceux qui soutiennent le plus leur agriculture – en créant des prix de marché qui sont des prix de dumping –, la probabilité est faible. Par conséquent, les questions qui se posent sont de savoir ce qu'on peut faire à budget constant et combien coûtent les transitions. Nous avons essayé d'évaluer – l'Inrae l'avait fait avant nous, et nous avons seulement retravaillé les chiffres – les fonds supplémentaires qu'il faudrait mobiliser pour engager le monde agricole, en France, dans une transition bas-carbone et comportant moins de phytos. Bon an, mal an, on arrive à 800 millions d'euros supplémentaires en Opex (dépenses d'exploitation), pour faire fonctionner les exploitations agricoles, indépendamment des investissements, et à 1 000 millions de plus en investissements annualisés.

Il faut distinguer, en effet, s'agissant du surcoût associé à la transition, ce qui relève des Capex (dépenses d'investissement) de ce qui relève des Opex. Les coûts d'investissement sont « faciles » – je mets des guillemets – à couvrir même si les taux remontent, car il y a des liquidités – on ne va pas arrêter demain de s'assurer et il y a encore de l'argent sur le marché de la dette. On peut trouver l'argent pour faire des investissements, si tant est qu'on arrive à les rentabiliser – c'est peut-être une autre question. La vraie question, c'est plutôt ce qu'on ferait pour les 800 millions d'euros supplémentaires par an pour les Opex, alors que la Première ministre a dit que la priorité était de ne pas augmenter le budget alimentaire des ménages. À dépenses publiques constantes et à coûts constants pour le consommateur hors inflation, la possibilité d'engager la transition est assez faible. L'Iddri n'a pas de baguette magique : nous nous contentons d'objectiver des choses. À panier constant, prix constant et dépenses publiques constantes, la situation ne va pas bouger. Je suis désolé d'être un peu pessimiste.

On peut difficilement réallouer les budgets publics. Sinon, les agriculteurs vont protester contre l'évolution de leurs revenus. À revenus agricoles constants, panier du consommateur constant, prix alimentaires constants hors inflation et dépenses publiques constantes, on est coincé.

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