Merci pour cette question qui me paraît, en effet, centrale. Ce que vous décrivez a notamment été très bien expliqué par Louis-Georges Soler, directeur scientifique adjoint chargé de l'alimentation à l'Inrae, et par Gilles Trystram, ancien président d'AgroParisTech. Ils ont travaillé sur le processus de décomposition et de recomposition de la matière première agricole qui est au cœur de l'industrie agroalimentaire. Tout cela, vous avez raison, est trop mal connu, y compris au plan international. La Commission ne s'y intéresse pas. Louis-Georges Soler m'a dit qu'il allait bientôt publier un papier en anglais.
Votre question, là aussi, est double. Il y a, d'une part, l'hétérogénéité de produits, comme le blé, qui ne seront plus les mêmes et, d'autre part, le fait que les volumes seront moindres – on aura moins de blé, mais plus de céréales secondaires – et qu'on ne pourra plus appliquer les mêmes recettes. Il faudra notamment plus de lignes de production. Sans vouloir taper sur qui que ce soit, car je comprends pourquoi cela ne s'est pas fait, c'est un sujet que nous avons proposé à la Coopération agricole d'explorer ensemble. L'Iddri, même si cela paraît un peu prétentieux de le dire, est peut-être le seul endroit en France où ont été développés des outils de simulation des déformations des outils de l'industrie agroalimentaire en fonction des changements des approvisionnements agricoles, et cela pour l'ensemble des grandes cultures, la production de viande et la production laitière. Nous irons d'ailleurs vendredi en Champagne crayeuse pour en discuter avec les agriculteurs.
Nous avons tenté d'estimer les surcoûts en utilisant une approximation, un peu grossière, qui est l'intensité des productions en emplois : si l'approvisionnement est plus diversifié et plus hétérogène, il faudra plus de gens dans les usines. Nous avons ainsi regardé ce que signifierait une hausse de 20 % de l'intensité en emplois pour 1 000 tonnes à transformer et comment cela se traduirait en surcoût final. Ce n'est pas totalement simple et conclusif, parce qu'il faut faire beaucoup d'hypothèses, notamment en ce qui concerne l'intensité capitalistique, les réinvestissements et le réaménagement des lignes de production. Sachez néanmoins que si la représentation nationale souhaite avoir des éléments sur cette question, nous sommes tout à fait disposés à faire des travaux ad hoc pour une commission qui s'y intéresserait. Nous avons l'outillage nécessaire, mais nous n'avons pas trouvé de clients : le monde agricole met en avant l'argument climatique pour dire que la question de la diversification et de la réduction des phytos est secondaire.