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Intervention de Pierre-Marie Aubert

Réunion du mardi 14 novembre 2023 à 17h30
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Pierre-Marie Aubert, directeur du programme Politiques agricoles et alimentaires à l'Institut du développement durable et des relations internationales :

Compte tenu de l'état de l'OMC, la remise sur le métier de ces questions ne viendra pas d'elle. Je vois deux pistes : l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ou la FAO, voire les deux en même temps. Vous avez peut-être vu passer en 2021 un rapport de la FAO et de l'Unep (Programme des Nations unies pour l'environnement) intitulé « A Multi-Billion-Dollar Opportunity » qui posait la question des 800 milliards de dollars – les modes de calcul sont contestables et contestés – dépensés chaque année pour soutenir les agricultures des pays développés. Il ne s'agissait pas de dire qu'il fallait supprimer ces fonds mais qu'on pourrait faire beaucoup plus, et bien mieux, si on les utilisait pour financer la transition.

Cela étant, ce rapport concernait les économies développées, alors que vous demandiez plutôt comment réagir au fait que les prix mondiaux sont restés des prix de dumping et qu'un agriculteur d'Afrique de l'Ouest, pour prendre un cas qu'on connaît bien en France, ou en tout cas que je connais bien, n'est pas en mesure de produire au prix du marché. Ce qui est proposé dans le cadre de l'Alliance pour une révolution verte en Afrique et dans toute une série d'initiatives qui ont émergé après la crise alimentaire de 2007, c'est de s'insérer dans des filières d'export pour faire de la marge via des traders. Il ne me semble pas qu'il y ait de questionnement sur le fait que ce soit une solution : c'est acquis. Il y a là un souci, à mon avis.

La question est double. D'une part, que fait-on des dépenses publiques visant à soutenir l'agriculture dans les pays développés ? Se contente-t-on de dire qu'il faut les arrêter pour laisser les paysans les plus pauvres produire et vendre sur les marchés, au lieu de souffrir de notre compétition déloyale, ou dit-on qu'il faut utiliser ces fonds d'une bonne manière, en finançant des externalités positives afin que le prix de marché soit finalement un peu moins un prix de dumping ? D'autre part, que fait-on de l'asymétrie radicale entre pays du Sud et pays du Nord en ce qui concerne les capacités de soutien à l'agriculture ? Je ne crois pas que cette question soit à l'ordre du jour de quiconque – elle ne l'est pas, en tout cas, dans les échanges que j'ai. Les décideurs africains avec lesquels nous pouvons discuter sont beaucoup plus intéressés par la question de la connexion de leurs small holders, leurs petits exploitants, aux marchés, aux filières internationales, pour de la production destinée à l'export, que par la question d'un rétablissement d'une forme de symétrie sur les marchés mondiaux. Je ne suis donc pas très optimiste.

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