Intervention de Pierre-Marie Aubert

Réunion du mardi 14 novembre 2023 à 17h30
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Pierre-Marie Aubert, directeur du programme Politiques agricoles et alimentaires à l'Institut du développement durable et des relations internationales :

Le bilan carbone à l'hectare des productions qui les ont nourris est pris en compte par une analyse de cycle de vie (ACV) complète du poulet. En revanche, pour les productions animales en France, le calcul ne tient pas compte de la provenance des importations sur lesquelles elles s'appuient.

Si vous vous intéressez seulement au climat, quelle que soit la métrique utilisée, un poulet de 25 jours, c'est toujours mieux qu'un poulet de 80 jours voire de 120 jours : il n'y a pas de débat sur ce point. Mais nous avons dérivé des phytos vers la production animale…

L'enjeu, le point dur, c'est la demande finale de biomasse : quelle biomasse pour quels usages ?

Il y a quelques années – mais les résultats seraient les mêmes aujourd'hui –, une étude de Harvard a montré que si l'on permettait à l'ensemble des habitants de la Terre d'adopter un régime alimentaire qui suit les recommandations nutritionnelles de l'USDA – le ministère de l'agriculture des États-Unis – nous aurions trop de calories, un peu trop de protéines, trop de gras, trop de sucre, et pas assez de fruits et de légumes. Dans le même temps, 700 millions de personnes souffraient de la faim. La question qui se pose est celle de l'accès, ce qui nous ramène au fait que les productions dont nous avons besoin pour vivre en bonne santé n'ont qu'une faible valeur économique pour les agriculteurs, pour les industriels et pour ceux qui les soutiennent. Ainsi, la politique agricole commune (PAC) ne donne pas un euro au maraîchage – à part le maraîchage industriel, pour les paiements directs.

La question, c'est, je le répète, celle de la biomasse et de la quantité de biomasse dont nous avons besoin. Or la société refuse de se la poser. Je ne reviens pas sur les prises de position du Gouvernement précédent sur la place des produits animaux dans les cantines scolaires. Il existe un tabou, savamment entretenu – nos collègues de la chaire santé de Sciences Po l'ont montré – par l'industrie et la distribution, pour ne pas ouvrir le débat sur la quantité de produits animaux que nous mettons dans nos assiettes. Pourtant, il ne s'agit pas de demander à tout le monde de devenir végan, ou même végétarien, mais de passer de 170 grammes équivalent carcasse par jour dans l'assiette à 90 grammes.

Le bilan climatique plus performant de l'agroécologie sans phytos, ou avec beaucoup moins de phytos, par rapport à des systèmes de productions très intensifs ne peut se comprendre qu'au regard d'un volume global. Il ne peut pas se comprendre par unité de produit, par comparaisons simplistes deux à deux.

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