Trois éléments ont changé les termes du débat. Deux d'entre eux sont objectifs, et font légitimement naître des interrogations sur la sécurité alimentaire de l'Union : la guerre en Ukraine et ses effets sur la production de céréales ; le changement climatique et ses incidences pour les productions agricoles. Ces dernières sont perçues de manière plus concrète depuis deux ou trois ans, notamment dans les pays du Sud. Le troisième élément est le revirement de la droite européenne, le PPE, concernant le Pacte vert. Le discours est désormais que la guerre en Ukraine met en danger la sécurité alimentaire et qu'il faut limiter les contraintes pesant sur le monde agricole pour que les Européens puissent continuer à manger. Mais il a une dimension plus performative et politique que réelle.
Des garanties doivent être apportées en matière d'orientation politique et de conception des politiques publiques. À cet égard, le compromis issu du trilogue sur la loi de la restauration de la nature a permis d'introduire à l'article 1er la référence à un objectif de sécurité alimentaire européenne. En outre, a également été inscrite la possibilité de décaler de quelques mois l'application des textes de type SUR. Cela me semble de nature à rassurer le monde agricole quant à la prise en compte de cette préoccupation.
De nombreux leviers peuvent être actionnés pour assurer la sécurité alimentaire européenne. Je pense aux techniques agronomiques alternatives à l'usage des molécules – car il ne s'agit pas seulement de chercher des molécules de substitution, il faut aussi aller vers des pratiques agroécologiques dont certaines sont aussi performantes que l'agriculture conventionnelle utilisant plus massivement les pesticides.
Il existe aussi des enjeux de régulation du marché. Disposer de stocks européens serait un plus pour faire face aux crises conjoncturelles.
Par ailleurs, des baisses de production dans des filières d'exportation n'ont pas d'incidence pour la sécurité alimentaire européenne.
Mon prédécesseur Éric Andrieu avait également proposé qu'en cas de risque pour cette sécurité, l'on puisse provisoirement suspendre une partie des productions destinées aux biocarburants, pour les remplacer par des productions à but alimentaire.
Enfin, la Commission refuse de relancer le débat sur la reconquête des terres agricoles en Europe. Il est pourtant possible de ramener des terres agricoles à la production. Certes, elles produiraient moins que les terres actuellement en production mais des surfaces considérables pourraient être ramenées à l'agriculture en Europe et contribuer à l'atteinte de notre objectif.
On le constate, en matière de sécurité alimentaire, la question principale est celle, non pas des pesticides, mais de la politique agricole et alimentaire mise en œuvre et du mode de régulation des marchés et de développement des outils d'intervention et d'orientation à travers la PAC.