Je tiens à préciser qu'entre 2010 et 2020, mes activités étaient tout à fait étrangères au droit de la concurrence. Je me fierai donc à la mémoire collective et aux dossiers de la Commission.
Il est exact que la décision de 2005 prévoit un système de reporting ayant pour objectif de permettre à la Commission de contrôler son exécution. L'inconvénient tient au fait que ce dispositif de reporting s'arrêtait en 2008. Or la Commission n'a ni les moyens ni la volonté de surveiller de manière constante l'ensemble des activités de l'ensemble des États membres.
Les problèmes sont généralement portés à notre connaissance par des plaintes, ou par le fait que les États membres prennent spontanément contact avec nous pour nous faire part d'une difficulté. Nous engageons alors avec eux une discussion informelle visant à les aider à résoudre leur problème. En l'occurrence, ce n'est pas la méthode qui a été privilégiée.
À partir de 2008, il n'y avait donc plus de monitoring de Fret SNCF. Nous aurions certes pu envoyer des enquêteurs pour examiner la situation de cette société. Cependant, leur effectif est très réduit, alors qu'ils sont en charge de l'ensemble des transports dans toute l'Union européenne.
J'en viens à votre question sur la filialisation. Je peux vous confirmer qu'en 2019, la Commission – qui avait déjà des doutes sur les conditions de conformité aux traités du financement de Fret SNCF – a informé les autorités françaises que la filialisation ne permettrait pas de dissiper ses doutes. De fait, le changement de statut juridique n'entraînait pas de changement de qualification au titre du régime des aides d'État.
Vous m'interrogez également sur la date à laquelle nous avons informé les autorités françaises ou requis une discontinuité. Cette question étant couverte par la confidentialité de l'enquête, je ne peux y répondre. Il faut savoir que la Commission européenne ne requiert jamais la discontinuité. Celle-ci est le seul moyen d'éviter la cessation du service. Si l'État membre n'organise pas de solution de discontinuité et si la Commission confirme les doutes l'ayant amenée à ouvrir la procédure et considère que tout ou partie des financements publics examinés sont illégaux, l'entreprise doit rembourser l'aide. Si cela lui est impossible, elle doit être placée en liquidation, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice.
La disruption est alors maximale, à la fois pour les services en cause et pour les salariés de l'entreprise concernée. Les États membres s'efforcent donc d'éviter cette extrémité, soit en vendant les actifs à un repreneur, soit en organisant un scénario de discontinuité. C'est cette dernière option que le gouvernement français a retenue. Le gouvernement italien avait mis en œuvre la même mesure au sujet d'Alitalia, avant d'ouvrir des pourparlers avec Lufthansa en vue d'une éventuelle cession de la compagnie.
Je répète que la Commission ne requiert pas la discontinuité. Elle comprend que l'État membre souhaite recourir à cette solution, le pire scénario étant une décision de déclaration d'aide illégale assortie d'une obligation de remboursement et de mise en liquidation de l'entreprise.
Pourriez-vous me rappeler votre dernière question ?