Les pays arabes ont noué dans les faits une alliance avec Israël, basée sur le principe classique des relations internationales : « L'ennemi de mon ennemi est mon ami ». Comme l'ennemi commun est l'Iran, les monarchies du Golfe et l'Égypte travaillent étroitement avec Israël, notamment dans les domaines de la sécurité. Les accords d'Abraham constituent une réussite américaine et ont permis aux États-Unis de se retirer de la région, tandis qu'Israël devenait le garant de la sécurité des monarchies du Golfe face à l'Iran. Aujourd'hui, Israël joue toujours ce rôle.
Deux conditions sont essentielles pour envisager l'avenir et relancer le processus de paix. La première consiste à rassurer l'opinion publique israélienne en lui assurant que sa sécurité serait garantie dans le cadre d'un processus de paix. La deuxième correspond à l'émergence d'un leadership démocratique du côté palestinien, prêt à s'engager dans une logique de paix. Ces deux conditions sont cependant extrêmement difficiles à réunir.
Du côté palestinien, d'une part, le Hamas ne sera pas accepté comme interlocuteur par Israël et, d'autre part, l'Autorité palestinienne, bien que les Israéliens aient leur part de responsabilité, est discréditée, corrompue, inefficace et ne représente plus les Palestiniens. Est-il possible de faire apparaître un leadership dans ces conditions ? Je n'en sais rien.
La situation est d'ailleurs plus paradoxale et contradictoire qu'on ne le pense. Je suis quasiment sûr que pratiquement tous les Palestiniens de Cisjordanie parlent couramment l'hébreu et regardent la télévision israélienne plutôt que la télévision palestinienne. Les Palestiniens ressentent en outre une certaine fatigue. En effet, en Cisjordanie, beaucoup de jeunes Palestiniens ne supportent plus la situation et aspirent à une vie normale. D'ailleurs, beaucoup ne croient même plus à la solution des deux États. À force de voir des grues sur toutes les implantations israéliennes, les Palestiniens se résignent à l'idée que les Israéliens ne partiront pas et ont le sentiment que les pays arabes les ont abandonnés, puisque ces derniers ont complètement déserté la cause palestinienne. Le produit intérieur brut (PIB) d'Israël est d'ailleurs vingt-cinq fois supérieur à celui des territoires palestiniens : le rapport de force est sans appel. Je ne sais pas s'il est possible de permettre l'émergence d'un leadership mais cette condition est nécessaire.
Les Européens pourraient peut-être jouer un rôle car nous connaissons ces Palestiniens. Du côté israélien, il est également nécessaire d'avoir un interlocuteur prêt à négocier sur la base de la solution des deux États. Actuellement, cette perspective semble encore lointaine avec le gouvernement en place. Vous comprenez donc peut-être mieux les raisons de mon sentiment de désespoir.