Je ne vais pas retracer l'historique des relations franco-israéliennes mais, lorsque j'ai été nommé ambassadeur en Israël en 2003, j'ai été chargé d'une mission claire par Jacques Chirac et Dominique de Villepin : améliorer les relations bilatérales, qui étaient alors très dégradées, entre Israël et la France. Nous parlons d'ailleurs généralement de « politique arabe de la France », ce qui n'est pas perçu positivement par les Israéliens.
Nous avons toujours affirmé que notre politique était équilibrée. Elle l'était, certes, du point de vue de Paris mais pas du point de vue de Jérusalem. En synthèse, l'État d'Israël considérait la France comme une puissance inamicale. À mon arrivée en Israël en 2003, Dominique de Villepin avait signé un accord-cadre visant à améliorer les relations franco-israéliennes, ce qui représentait une décision très forte de la France. On peine maintenant à imaginer que des figures du gaullisme comme Dominique de Villepin et Jacques Chirac aient pu jouer un rôle dans l'amélioration des relations bilatérales mais ce fut bien le cas.
Je suis donc arrivé avec ces instructions positives et j'ai constaté à quel point le divorce était consommé pour les Israéliens. Nous avons toutefois réussi à transformer un divorce acrimonieux en quelque chose de plus clair, ne sachant pas si l'on peut considérer qu'un divorce puisse être amical. Pour les Israéliens, la France était considérée comme une puissance pro-arabe et favorable aux Palestiniens.
De toute évidence, les Israéliens préféraient avoir les États-Unis comme médiateur, un médiateur extrêmement puissant et amical à leur égard. Ainsi, du point de vue des intérêts nationaux israéliens, la médiation américaine était privilégiée et il ne fallait rien attendre des Européens, qui allaient soutenir les Palestiniens ou la cause palestinienne d'une manière ou d'une autre. Concrètement, il existait un déséquilibre en faveur d'Israël et il n'allait pas de son intérêt de le modifier. Malgré nos efforts, y compris la visite de François Mitterrand et le discours de Nicolas Sarkozy, la relation franco-israélienne est restée relativement tiède. Les Israéliens avaient tourné la page après l'extraordinaire lune de miel franco-israélienne, qui s'est étendue de 1949 à 1967, une époque où l'armée israélienne était équipée de Mirage.
En 1982, lors de ma première visite en Israël, j'ai entendu dire qu'on dansait en français à Tel-Aviv avant 1967. À cette époque, du point de vue israélien, la France de la Résistance est devenue la France de Vichy. Israël nous a longtemps perçus comme une puissance inamicale et – je caricature à peine – vendue au pétrole arabe pour des raisons mercantiles. Depuis la décision de Jacques Chirac et Dominique de Villepin, suivie et amplifiée par Nicolas Sarkozy, puis poursuivie par François Hollande et Emmanuel Macron, nos relations ont évolué vers des relations d'État à État plutôt tièdes.
Une question supplémentaire pour l'ambassadeur en poste sur place concerne l'importance de la communauté expatriée, c'est-à-dire la communauté franco-israélienne. Lorsque j'étais en Israël en 2006, environ quatre-vingt-dix mille Franco-Israéliens y étaient présents mais, aujourd'hui, ils sont environ cent quatre-vingt mille personnes en raison de l'accélération de l'Alya, qui s'explique principalement par la montée des actes antisémites en France. Nous pouvons en effet presque établir une corrélation entre les actes antisémites graves et une augmentation de l'Alya. Ceux-ci ont été nombreux et des personnes sont mortes en France parce que juives, comme avec l'école Ozar-Hatorah, l'Hyper Cacher ou les assassinats d'Ilan Halimi, Sarah Halimi et Mireille Knoll. Entre 2014 et 2016, période marquée par les attentats que vous connaissez, plus de vingt mille juifs français ont fait leur Alya et ont rejoint Israël. Cet élément de la relation bilatérale n'est pas le plus simple à gérer pour l'ambassadeur de France en Israël.