Intervention de Laurent Panifous

Séance en hémicycle du jeudi 23 novembre 2023 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Panifous :

Toutefois, le texte qui nous est présenté, dans un contexte de très forte inflation s'ajoutant à une crise structurelle des établissements hospitaliers et médico-sociaux, repose sur une volonté de maîtrise des dépenses budgétaires, sans recherche de ressources supplémentaires, ce qui rend impossible toute ambition réelle pour relever le système de santé.

S'agissant de la branche autonomie, chacun sait que nous ne pourrons faire l'économie de financements importants et nouveaux pour répondre à cet enjeu de société. Nous devrons créer des ressources nouvelles et pérennes pour la branche autonomie. Toutes nos propositions en ce sens ont été rejetées : c'est un reproche et un regret que nous formulons à l'égard de ce PLFSS. Malgré quelques enveloppes supplémentaires débloquées par le Gouvernement au Sénat, nous continuons de fonctionner à coups de petites enveloppes budgétaires, lâchées çà et là sans vision durable.

En revanche, nous sommes réellement satisfaits de l'instauration d'une loi de programmation pluriannuelle dès l'année prochaine. Elle sera l'occasion d'aborder régulièrement la question du grand âge dans sa globalité. Avec d'autres, nous avons défendu son instauration et nous espérons qu'à cette occasion se fera enfin jour une réelle volonté de répondre aux immenses enjeux auxquels nous faisons face.

Je ne peux pas ne pas évoquer l'engagement du Président de la République à créer 50 000 postes de soignants supplémentaires dans les Ehpad d'ici à la fin du quinquennat, en 2027. Mardi dernier, je me suis appliqué à être précis dans ma question au Gouvernement à ce sujet ; j'ai apprécié le talent avec lequel Mme la ministre des solidarités ne m'a pas répondu. Il semble que l'exercice consiste précisément en cela.

En 2023, 3 000 postes ont été créés ; 6 000 sont programmés en 2024. Nous sommes très loin de l'engagement pris, que nous n'atteindrons manifestement pas. Je me permets d'insister, parce que cet engagement répondait de manière très pertinente à un réel besoin des établissements. Il était parfaitement réalisable en associant la formation de nouveaux professionnels et le retour des aides-soignantes et infirmières qui ont quitté ce métier précisément parce que les conditions de travail y étaient trop dures ; ils aiment leur métier et auraient à cœur de l'exercer à nouveau. Ces 50 000 postes, soit six à sept par établissement, sont tout simplement indispensables pour soigner correctement les résidents des Ehpad.

S'agissant de l'hôpital, nous avons tenté de défendre la prise en compte des déficits structurels des établissements, renforcés par l'inflation exceptionnelle qui perdure. L'Ondam a bénéficié d'abondements pour compenser l'inflation, mais ceux-ci ne sont pas à la hauteur des besoins réels des établissements. Il est compliqué pour les hôpitaux publics de devenir plus attractifs et d'investir dans leur transformation ou leur réhabilitation, lorsque leur situation budgétaire connaît de grandes difficultés. Il est difficile de parler d'une ambition pour les hôpitaux, les malades et les professionnels, alors qu'on maintient les premiers dans une situation déficitaire.

Le passage du texte au Sénat nous a apporté quelques satisfactions, puisque certaines de nos propositions ont été reprises : la révision annuelle des coefficients géographiques ; le cumul de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP) et de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) pour les enfants corses et ultramarins contraints de se soigner dans l'Hexagone. La majorité et le Gouvernement vont-ils revenir dessus ?

Enfin, ce texte est marqué par deux absences majeures. Premièrement, il ne contient aucune mesure d'envergure de lutte contre la désertification médicale, alors que c'est un enjeu crucial pour les territoires, où les difficultés d'accès à un professionnel de santé sont croissantes. Nous y revenons systématiquement, parce que l'urgence de la lutte contre la pénurie de médecins et contre leur inégale répartition doit être une priorité. Il n'existe pas de solution miracle pour lutter contre la désertification médicale, mais un arsenal d'outils que nous devons utiliser. De ce point de vue, l'absence de propositions est d'autant plus saisissante que beaucoup reste à faire.

Deuxièmement, la santé mentale et la psychiatrie sont absentes de ce texte. Nous sommes pourtant tous conscients de l'état critique de ce secteur essentiel, silencieusement sinistré, en totale contradiction avec l'aspiration de nombre de nos concitoyens à une société bienveillante et du prendre soin. Comment expliquer cet oubli, alors que nous sommes sortis d'une épidémie il n'y a pas si longtemps et que la situation économique et sociale tendue abîme autant les corps que les esprits ?

Notre système de protection sociale mérite mieux que de simples économies : il a aussi besoin de nouvelles ressources. Pas seulement parce qu'il est en difficulté depuis plusieurs années, mais surtout pour faire face aux besoins à venir, qui sont croissants. Nous regrettons le manque d'ambition de ce texte, que nous ne voterons pas.

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