Il y a quelques mois, nous nous retrouvions en catastrophe pour adopter une proposition de loi de notre ancien collègue Thomas Cazenave maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs, afin d'éviter un choc qui aurait amplifié la crise inflationniste et sociale actuelle.
Aujourd'hui, nous voilà à nouveau réunis pour prolonger en urgence un autre dispositif en faveur du pouvoir d'achat, qui arrive à échéance à la fin de l'année. Nous aurions préféré davantage d'anticipation, madame la ministre déléguée, ce qui aurait permis de mener un travail pour adapter ce dispositif sur le long terme, afin – sans oublier leur destination première, qui est le soutien aux restaurateurs – de réorienter les tickets-restaurant vers une aide alimentaire devenue nécessaire dans ce contexte de précarité grandissante. Nous n'oublions d'ailleurs pas non plus que tous les salariés ne bénéficient pas de ces titres.
Selon l'Insee, en octobre 2023, les prix des produits alimentaires et boissons vendus par la grande distribution avaient augmenté de 8,8 % par rapport à l'année précédente. Malgré un ralentissement – voire un tassement – de l'inflation sur ces produits, on ne note aucune stabilisation des prix, et encore moins une baisse qui aurait permis de retrouver des niveaux de prix conformes au coût réel des denrées brutes.
Ce taux cache par ailleurs de grandes disparités. Le prix de la viande, qui a augmenté de 20,1 % depuis janvier 2022, n'a connu un premier tassement qu'en septembre 2023, et d'autres produits, comme le riz, ont connu des hausses plus importantes encore, de l'ordre de 31 % sur un an. Sur la même période, l'augmentation des salaires sur la période demeure largement inférieure, puisque l'indice du salaire mensuel de base n'a augmenté que de 4,6 %. Les conditions économiques et sociales qui ont motivé et justifié l'extension de l'utilisation du titre-restaurant aux produits non directement consommables perdurent, justifiant la prolongation de la mesure pour une, voire deux années supplémentaires. En effet, les prévisions macroéonomiques du Gouvernement ne prévoient pas de retour à la normale de l'inflation et un début de correction sur les prix et salaires du privé avant 2025.
Outre que cela nous éviterait de nous retrouver dans un an pour une nouvelle et courte prolongation, proroger la mesure pour deux ans permettrait de donner d'emblée de la visibilité aux bénéficiaires et aux acteurs économiques. Comme vous l'aviez fait en commission, vous avez déclaré ce matin, madame la ministre déléguée, que prolonger d'office de deux ans le dispositif était prématuré, en raison de la refonte des titres-restaurant que vous avez engagée avec les professionnels – un chantier que vous vous êtes engagée à faire aboutir et que nous soutenons, car si nous souhaitons, à titre exceptionnel et transitoire, prolonger pour deux ans le dispositif, nous considérons que les titres-restaurant n'ont pas vocation à devenir des chèques alimentaires.
Vous nous accorderez néanmoins qu'une telle concertation pourrait être longue et complexe. En outre, la volatilité du calendrier législatif risque d'empêcher que les résultats de ce chantier se retrouvent dans la loi avant fin 2024. Nous proposons donc, madame la ministre déléguée, que, par précaution, la dérogation soit d'emblée prolongée jusqu'à la fin de l'année 2025, étant entendu que nous pourrions y mettre un terme anticipé si, dans l'intervalle, le dispositif était refondu ou d'autres outils créés – ce que nous souhaitons, car, je le répète, le titre-restaurant n'a pas vocation à devenir une aide alimentaire. Il faut un mécanisme dont tous les salariés puissent bénéficier, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Notre position est éclairée et raisonnable. En tout état de cause, considérant l'urgence sociale, le groupe Socialistes et apparentés votera, comme en commission, en faveur de la proposition de loi.