Nous arrivons au terme de l'examen de ce texte important, attendu par beaucoup de nos concitoyens, sur le partage de la valeur dans les entreprises. Nous le savons, cette thématique s'inscrit pleinement dans le quotidien des Français, le pouvoir d'achat demeurant pour eux, naturellement, une préoccupation quotidienne et essentielle.
Le groupe LIOT a toujours insisté sur la nécessité de prendre des mesures fortes en faveur des travailleurs, en ayant comme unique boussole l'impératif de rendre au travail son caractère rémunérateur et émancipateur. Dans cet esprit, nous estimons que le texte issu de la commission mixte paritaire va dans le bon sens, car il est porteur d'avancées.
En dix ans, dans les cent plus grandes entreprises françaises cotées, la dépense par salarié n'a augmenté que de 22 %, là où les versements de dividendes ont progressé de 57 %. Nous pointons ici du doigt une réalité inquiétante et ressentie par tous : notre système de justice sociale et de répartition de la richesse souffre d'un déséquilibre qui est pour le moins regrettable et nocif. Le présent projet de loi ne résoudra certes pas l'ensemble de ces problèmes et ne doit pas être considéré comme une fin, mais il constitue le point de départ d'un travail dense auquel le Parlement, nous l'espérons, saura s'employer.
Sur le fond, je veux saluer le travail mené par la commission mixte paritaire. Il permettra l'adoption d'un texte faisant, dans la mesure du possible, consensus. Nous nous félicitons du développement de divers outils de partage de la valeur, et en premier lieu de leur ouverture aux plus petites entreprises. Nous savons tous que les PME sont le premier employeur de France, et il apparaît juste que les salariés de ces petites structures puissent eux aussi bénéficier des fruits de leurs efforts.
Notre groupe approuve également le dispositif de négociation obligatoire sur les bénéfices exceptionnels. Nous avions été de ceux qui souhaitaient une contribution sur les résultats exceptionnels réalisés par les grands groupes à l'occasion des crises sanitaire et énergétique. Le dispositif établi par le texte pourrait être plus encadré mais il nous semble juste : une bonne performance économique n'est jamais décorrélée du travail des salariés, et il est bon de le rappeler.
Enfin, nous tenons à saluer le rehaussement des plafonds globaux d'attribution d'actions gratuites. Je me suis exprimé ici même à plusieurs reprises sur le dividende salarié, qui demeure encore trop peu développé. Cette mesure va permettre aux salariés de prendre une part plus importante dans la vie et dans la conduite de leur entreprise, mais aussi de bénéficier de ses résultats de manière plus conséquente ; c'est une bonne chose.
Le groupe LIOT tient cependant à rappeler ses deux principales critiques – nous en avons parlé –, qui tiennent d'une part à l'absence de la question des salaires, et d'autre part à la prise en compte encore trop partielle des effets de bord des outils de partage de la valeur. Le salaire reste la principale source de revenus pour les travailleurs, mais il est malheureusement le grand absent de nos échanges. Si nous voulons mener une politique salariale satisfaisante, les primes ne peuvent en aucun cas s'y substituer.
Par ailleurs, notre groupe rappelle qu'en de nombreux cas, les dispositifs de partage de la valeur demeurent imparfaits ; il en résulte des effets de bord non négligeables, au premier rang desquels la stagnation des salaires. Ne pas agir clairement en faveur des salaires fait peser des contraintes lourdes sur la vie quotidienne des Français, sur leur consommation et sur leur épargne, mais aussi sur les comptes publics. Huit milliards d'euros de recettes en moins pour la sécurité sociale entre 2018 et 2022 : c'est ce qu'a coûté la stagnation des salaires à notre modèle social.
Il est enfin impossible de conclure sans évoquer l'ensemble des travailleurs qui ne bénéficieront jamais de ces dispositifs, du fait de leur statut ou de l'entreprise à laquelle ils appartiennent. L'absence de débat sur les salaires a mis à la marge de ce texte un nombre de Français encore bien trop important.
Malgré ces points de désaccord, notre groupe se satisfait de voir un texte de loi transposer, même en partie seulement, un accord national interprofessionnel signé par sept organisations syndicales et patronales. C'est la preuve que lorsqu'on ne brime pas les corps intermédiaires, ces derniers sont capables de faire vivre, dans l'intérêt de tous, notre démocratie sociale. Conscient de pouvoir apporter son soutien aux travailleurs ainsi qu'aux corps intermédiaires, le groupe LIOT sera donc favorable au projet de loi.