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Intervention de Eva Sas

Séance en hémicycle du mercredi 22 novembre 2023 à 14h00
Partage de la valeur au sein de l'entreprise — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEva Sas :

Nous examinons ce projet de loi sur le partage de la valeur à l'issue de la commission mixte paritaire conclusive entre le Sénat et l'Assemblée nationale.

Le partage de la valeur dans l'entreprise et dans la société, voilà un sujet majeur qui aurait pu intéresser tous les Français. Hélas, force est de constater que le Gouvernement l'a pris par le petit bout de la lorgnette. En ne soumettant aux partenaires sociaux que la question des instruments de redistribution du résultat dans l'entreprise – l'intéressement, la participation et autres primes Macron –, il n'est pas à la hauteur de l'enjeu.

Le principal outil de partage de la valeur dans l'entreprise, c'est bien l'augmentation des salaires. Voilà un sujet d'actualité : l'inflation devrait atteindre 5,8 % en 2023, chiffre à mettre en regard d'une augmentation salariale moyenne prévue de seulement 4,5 %. L'inflation reste soutenue, les salaires ne suivent pas le rythme et les Français perdent chaque année du pouvoir d'achat.

Nous vous avions pourtant proposé plusieurs amendements, et même une proposition de loi visant à relancer la dynamique salariale, en augmentant le Smic en conditionnant les aides aux entreprises à la revalorisation des grilles salariales et en réservant les exonérations sur les bas salaires à une augmentation des salariés au Smic après deux ans dans l'entreprise. Mais votre seule obsession est de développer toutes les alternatives possibles pour freiner les hausses de salaire : déplafonnement des heures supplémentaires exonérées, monétisation des RTT, prime Macron… Et, maintenant, ce texte sur le partage de la valeur, fruit d'une négociation lancée à grand renfort de communication, laquelle aura, comme toujours, accouché d'une souris.

On espérerait que les salariés des entreprises de 11 à 49 salariés bénéficieraient de la participation. Ce ne sera même pas le cas, puisque l'employeur pourra y substituer une prime Macron, et ce sans minimum prévu. Rappelons que l'Insee a constaté que les primes Macron, habilement rebaptisées « primes de partage de la valeur », avaient un effet de substitution estimé à 30 % sur les augmentations de salaire. Pourtant, rien n'est prévu dans le texte pour limiter cet effet. Tout juste avions-nous pu faire adopter à l'Assemblée, avec le rapporteur Louis Margueritte, l'avancée d'un an de la première distribution de la prime, mais le Sénat et la CMP n'ont pas pris en compte cette avancée, et cette distribution n'aura lieu qu'en 2025. Les salariés des entreprises de 11 à 49 salariés, touchés, comme tous les Français, par l'augmentation des prix alimentaires et de l'énergie, apprécieront.

Enfin, le texte aurait été l'occasion d'avancer sur l'incidence de l'optimisation fiscale sur la participation des salariés. Aujourd'hui, une partie des multinationales échappe à l'impôt en déplaçant la valeur ajoutée dans des pays à fiscalité plus favorable, notamment par les prix de transfert. C'est un problème pour nos finances publiques et c'est une injustice envers les salariés de ces groupes, qui se voient privés de participation : les affaires McDonald's, Xerox, General Electric ont ainsi défrayé la chronique. Chaque fois, les comités sociaux et économiques (CSE) se sont vu opposer l'article L. 3326-1 du code du travail, lequel les empêche de contester le calcul du résultat arrêté par le commissaire aux comptes. Cet article constitue un verrou injustifiable qui empêche les salariés de faire valoir leurs droits. Pourtant, vous refusez de l'abroger. Vous parlez de partage de la valeur mais, de fait, vous protégez les employeurs qui flouent leurs salariés, et le fisc par la même occasion. Le CSE de Procter & Gamble a porté l'affaire devant le Conseil constitutionnel, lequel devrait statuer en janvier. Pour notre part, nous ne renoncerons pas à faire abroger cet article inique et à défendre les droits des salariés à une juste rétribution de leurs efforts.

Vous l'aurez compris, les membres du groupe Écologiste estiment que ce texte n'est pas à la hauteur de l'enjeu, que les avancées pour un meilleur partage de la valeur sont plus qu'insuffisantes et surtout qu'il s'agit là d'une véritable occasion manquée, sur un sujet qui est en réalité central. En effet, faire société, c'est aussi en partager les richesses équitablement.

Néanmoins, parce que le texte apportera à certains salariés un complément de rémunération et parce qu'il est le fruit du dialogue social interprofessionnel, nous ne nous opposerons pas à son adoption. La démocratie sociale est un bien précieux, que vous avez malheureusement trop souvent ignoré.

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