Le Gouvernement accueille avec une grande satisfaction l'accord trouvé en commission mixte paritaire sur la transposition de l'ANI du 10 février dernier relatif au partage de la valeur. Du point de vue du Gouvernement, c'est une double satisfaction, non seulement pour le dialogue social mais aussi pour la démocratie parlementaire. Les deux assemblées se sont illustrées par leur sens du dialogue et de la responsabilité. C'est ce qui mène à cette transposition réussie, qui trouve un équilibre entre l'écoute du dialogue social et le respect de la compétence du législateur. Ce succès doit beaucoup à la qualité des discussions parlementaires, et je tiens plus particulièrement à saluer le travail accompli par le rapporteur, M. Louis Margueritte, en lien avec sa collègue du Sénat.
Ce projet de loi répond à deux demandes majeures des Français : une action en faveur du pouvoir d'achat et la participation des salariés dans leur entreprise. Il s'inscrit dans la continuité de réformes précédentes en faveur du pouvoir d'achat, notamment la loi du 22 mai 2019, dite Pacte, relative à la croissance et la transformation des entreprises, les mesures d'urgence au moment de la crise sanitaire et les dispositions inscrites dans la loi en juillet 2022 pour lutter contre l'inflation.
Sans jamais substituer au salaire les dispositifs de partage de la valeur, ce texte complète l'arsenal au service du pouvoir d'achat des Français. Ce gain de pouvoir d'achat par le partage de la valeur créée dans l'entreprise renvoie à une conception particulière du travail : l'idée que partager la valeur, c'est d'abord et avant tout revaloriser le travail et renforcer la solidarité de destin entre l'entreprise et le salarié.
Le 16 septembre 2022, lorsque j'ai invité les partenaires sociaux à ouvrir une négociation à ce sujet, l'aboutissement de celle-ci n'avait rien d'évident, et nombreux étaient ceux qui en doutaient. Pourtant, malgré les débats agités du printemps, les partenaires sociaux sont parvenus le 10 février dernier à un accord, qui a été signé par les trois organisations patronales représentatives et quatre des cinq organisations syndicales représentatives.
Fort de cet esprit de consensus, que je tiens de nouveau à saluer, je m'étais engagé auprès des partenaires sociaux à une transposition intégrale et fidèle de l'accord, en fixant un principe : l'accord, tout l'accord, rien que l'accord. Sans rien trahir de cet état d'esprit, le Parlement s'est penché sur l'accord et ses améliorations possibles. Les débats de qualité ont fait converger la vision des partenaires sociaux et celle des parlementaires vers un meilleur partage de la valeur dans notre pays.
Tout d'abord, parmi un certain nombre de simplifications et d'assouplissements, le texte prévoit l'obligation d'engager, d'ici au 31 décembre prochain, une négociation pour examiner la nécessité de réviser les classifications des branches qui n'ont pas procédé à un tel examen depuis plus de cinq ans. Il s'agit là non seulement d'améliorer les rémunérations, mais aussi de faire écho aux chantiers ouverts par Mme la Première ministre à l'occasion de la conférence sociale.
S'agissant plus particulièrement des outils de partage de la valeur, il convient de rappeler qu'à ce jour, rares sont les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) qui proposent ces dispositifs de participation, à la fois parce qu'elles n'en ont pas l'obligation et parce qu'ils sont très complexes à mettre en œuvre. Ainsi, seuls 9 % des salariés des entreprises de 11 à 49 salariés bénéficient d'un dispositif d'intéressement ou de participation.
Pour mettre fin à cette inégalité de fait entre les salariés des petites et des grandes entreprises, le texte fait confiance au dialogue social pour organiser des négociations débouchant sur un accord de branche ou d'entreprise. Il s'agit de trouver des formules dérogatoires plus adaptées à la taille et aux moyens des entreprises en question. De même, les entreprises de 11 à 50 salariés auront jusqu'au 31 décembre prochain pour instituer un dispositif de partage de la valeur dès lors qu'elles ont réalisé un bénéfice net fiscal supérieur à 1 % de leur chiffre d'affaires pendant trois années consécutives. Grâce à ces deux dispositions pourtant d'apparence très technique, près de 1,5 million de salariés auront plus facilement accès à des dispositifs de partage de la valeur. Je crois que nous pouvons tous nous en féliciter.
Le texte crée en outre un nouvel outil, le PPVE. Créé par accord pour une durée de trois ans, il permettra à l'ensemble des salariés ayant au moins un an d'ancienneté de bénéficier d'une prime lorsque la valeur de l'entreprise aura augmenté sur ces trois années. Cet outil permettra à la fois de fidéliser les salariés et de les intéresser à la croissance de leur entreprise.
Le texte prévoit une autre mesure favorable au pouvoir d'achat des salariés : jusqu'au 31 décembre 2026, la prime de partage de la valeur continuera à être exonérée d'impôts pour les salariés qui travaillent dans les entreprises de moins de cinquante salariés et dont la rémunération est inférieure à trois Smic.
Aucune de ces évolutions ne s'éloigne d'un principe essentiel, réaffirmé à l'Assemblée nationale comme au Sénat : la non-substitution au salaire. Les partenaires sociaux l'avaient établi ; les parlementaires l'ont consacré dans la loi, pour en rappeler le caractère intangible.
De surcroît, le texte engage le développement de l'actionnariat salarié. Dans l'ANI, les partenaires sociaux avaient défini plusieurs leviers pour en assurer le développement : l'extension de la portion du capital ouverte aux salariés actionnaires, grâce à l'augmentation des plafonds de versement d'actions gratuites aux salariés ; l'amélioration de la gouvernance des fonds d'actionnariat salarié en demandant davantage de transparence sur la politique d'engagement actionnarial ; la promotion d'une épargne verte, solidaire et responsable, en exigeant qu'au moins un fonds responsable soit proposé parmi les plans d'épargne entreprise (PEE) et les plans d'épargne retraite (PER) d'entreprise.
Les travaux de la commission mixte paritaire, que je salue, ont permis d'affiner le texte et de préciser utilement certains dispositifs. Je pense par exemple au dispositif de rachat d'actions, inscrit non plus dans le projet de loi de finances, mais dans ce projet de loi. Les rachats d'actions par l'entreprise seront désormais l'un des critères pris en compte dans la définition d'une augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal de l'entreprise. Je relève deux autres évolutions utiles : l'accord entre les deux assemblées sécurise le régime fiscal des apports d'actions consécutifs à une attribution gratuite ; le texte protège le secret des affaires en prévoyant l'absence de publicité des accords de partage de la valorisation de l'entreprise.
Enfin, le suivi annuel de l'expérimentation des dispositifs de partage de la valeur institués dans les entreprises d'au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés sera transmis aux partenaires sociaux. Le texte confirme que seront aussi transmis aux partenaires sociaux le suivi annuel d'une autre expérimentation, celle de la formule de participation dérogatoire, ainsi que le rapport d'évaluation qui intègre les évolutions envisageables de la formule de calcul de la réserve spéciale de participation.
Pour techniques qu'ils soient, tous ces éléments sont très utiles. Le Gouvernement soutient ces précisions et compléments nécessaires proposés par les deux chambres.
Le texte correspond aux attentes des Français en matière de pouvoir d'achat et de participation à la vie de l'entreprise. L'accord en CMP parachève son parcours exemplaire, de la signature d'un accord interprofessionnel à une transposition fidèle mais enrichie. Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement appelle l'Assemblée nationale à adopter les conclusions de la CMP.