On aiderait ainsi à mettre fin certaines absurdités, qu'il s'agisse du franc CFA – compétence exclusive de Bercy, en dépit de sa charge politique immense – ou de la politique des visas, sur laquelle le ministère des affaires étrangères n'exerce plus de compétence réelle et qui obéit à des logiques obsidionales ayant pour effet de fermer la porte à de nombreux étudiants, acteurs économiques voire dignitaires politiques africains.
Se donner les moyens d'une politique cohérente, c'est aussi rebâtir notre expertise civile, après plus de deux décennies d'attrition de notre présence dans les sociétés africaines. Nous n'avons jamais remplacé les 10 000 coopérants présents sur le continent il y a encore trente ans ; ils ne sont plus que quelques centaines. Leur présence était une ressource précieuse. Sans ignorer les travers de cette coopération « à l'ancienne », reconnaissons qu'elle permettait de mieux comprendre la diversité des contextes politiques, économiques et sociaux du continent. Elle prémunissait contre le désastreux fonctionnement décidé en vase clos depuis Paris.
La réduction drastique de ces moyens essentiels d'information et de compréhension éclaire certains choix regrettables. Je ne citerai que deux exemples. Comment a-t-on pu penser qu'il serait pertinent de voter une nouvelle convention d'extradition judiciaire entre la France et le Sénégal au moment même où le gouvernement sénégalais instrumentalisait la justice contre son principal opposant et provoquait la colère de toute la jeunesse du pays ? Comment ne pas comprendre qu'il faut davantage aider la République démocratique du Congo qui subit l'agression du Rwanda ? La RDC traverse, dans l'indifférence générale, la pire crise humanitaire au monde : près de 7 millions de déplacés internes cumulés depuis trente ans et une guerre qui perdure malgré la fin officielle en 2003 du conflit le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale.
La situation en RDC n'est certes pas de la seule responsabilité du Rwanda mais celui-ci a une responsabilité écrasante dans la poursuite des combats, comme l'ont reconnu l'ONU ainsi que notre ministère des affaires étrangères. Pourtant, pas un mot de tout cela au sommet de l'État !