L'Afrique est un continent capital pour notre pays, humainement, historiquement, stratégiquement, économiquement, culturellement et intimement. Nos relations avec l'Afrique sont profondes, riches et complexes, parfois conflictuelles et douloureuses, mais toujours interdépendantes et intenses. Aussi, se pencher sur ce sujet n'est jamais superflu et le débat qui se tient aujourd'hui est nécessaire. Je veux saluer, à cet égard, la qualité du rapport d'information de nos collègues Tabarot et Fuchs sur la politique française en Afrique, un rapport qui fera date grâce à la vivacité de ses analyses et à la sincérité de son examen de notre politique en Afrique.
Impossible de ne pas commencer par l'actualité, c'est-à-dire par la succession de coups d'État au Sahel depuis trois ans et par la fin de l'opération Barkhane, considérés comme des échecs stratégiques français. Le recul brutal de notre pays dans la région en est la sanction. Nous devons au sacrifice de nos cinquante-huit militaires décédés au Sahel la gratitude de la nation, mais aussi un questionnement rigoureux de la politique qui a mené à cet échec caractérisé par l'avancée territoriale des djihadistes, la montée du sentiment antifrançais et la fin de nos accords militaires.
Pour rappel, les forces françaises étaient engagées au Sahel de 2013 à 2022, neuf années pendant lesquelles les experts n'ont cessé de répéter que pour favoriser le retour à une stabilité durable dans la région, la France devait non seulement consentir un effort militaire, mais aussi, et surtout, un effort en faveur d'un dialogue politique élargi, de la lutte contre la corruption et de la reconstruction économique au bénéfice de tous. La France était ainsi appelée à traiter ses partenaires sahéliens d'égal à égal pour éviter d'alimenter la rancœur du passif colonial ; elle était appelée à construire une coalition large pour éviter un tête-à-tête malsain. La lutte contre le terrorisme n'est pas uniquement militaire : l'enfer est pavé de bonnes intentions. Voilà des évidences que notre pays a oubliées et qu'il a payées cher au Sahel.
Il ne s'agit pas ici de refaire le film, mais bien d'en tirer des leçons indispensables. Le recul de notre influence en Afrique de l'Ouest souligne les difficultés de notre diplomatie à sortir de l'habitude de relations privilégiées avec des dirigeants contestés et contestables. Notre diplomatie a également peiné à comprendre que la montée en puissance de nouveaux partenaires mettait fin à la rente postcoloniale et exigeait de rendre nos offres commerciales plus compétitives.
L'Afrique avance et se transforme rapidement, l'environnement stratégique évolue, mais notre pays semble englué dans un passé idéalisé, dans sa superbe perdue, ressassant ses échecs tout en refusant toute adaptation. C'est à se demander qui n'est pas rentré dans l'histoire…
Pour la députée de Mayotte que je suis, représentant ici le département français le plus proche géographiquement de l'Afrique, la politique africaine de la France n'est pas une abstraction. Nos voisins immédiats sont, je le rappelle, les Comores, Madagascar, la Tanzanie, le Mozambique et le Kenya. Notre relation avec les Comores est, je dois le dire, un concentré des errements du Quai d'Orsay : le président Azali Assoumani, du genre putschiste, tire à l'occasion sur sa population et emprisonne ses opposants ; il a pourtant été reçu avec le tapis rouge à l'Élysée et invité au Forum de Paris sur la paix ; il préside en outre l'Union africaine grâce aux bons offices de notre diplomatie.