Pour ce qui a trait à la décentralisation, nous sommes d'accord pour admettre que toutes les zones ne doivent pas être traitées de la même façon. Le PTZ a été supprimé sur 93 % du territoire environ et son extension à quelque 200 communes supplémentaires est nettement insuffisante. Si la décentralisation est une piste à explorer, nous devons néanmoins veiller, comme d'autres l'ont dit, à ne pas accroître les aides dans les zones déjà bien pourvues et au détriment des départements ruraux, qui en souffriraient. Par conséquent, il est impératif de maintenir une coordination nationale, car il est difficile d'imaginer une décentralisation qui serait immédiate et totale, notamment en ce qui concerne les financements : une telle approche ne ferait qu'entraver davantage la faisabilité et la production de logements.
Je participe à la commission « Croissance et territoires » du Mouvement des entreprises de France (Medef), qui concentre ses réflexions sur les bassins d'emploi et de vie englobant plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Une approche de ce type, plus régionale, axée sur des bassins de vie et d'emploi définis par la région, pourrait être envisagée et portée par le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (Sraddet) ou le schéma de cohérence territoriale (SCoT) : il s'agirait alors de définir les aménagements nécessaires en fonction de caractéristiques locales comme le bâti, la démographie, l'industrialisation ou le développement de l'artisanat. Bien que ces idées soient déjà prévues dans de nombreux textes, leur mise en œuvre reste limitée. Une telle décentralisation étendue au secteur du logement pourrait s'avérer judicieuse, mais il serait essentiel d'adopter alors une approche progressive, afin d'éviter les écueils d'une mise en œuvre hâtive qui contribuerait à bloquer le système.
Les zonages établis en 2014 doivent être revus à la lumière de l'évolution de notre pays depuis dix ans et des besoins actuels en matière d'aménagement du territoire : je pense aux quartiers prioritaires de la politique de la ville ou à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), dont l'action doit être prolongée et élargie. La déconstruction-reconstruction que favorise l'Anru est importante pour développer la mixité des quartiers, en secteur HLM ou hors secteur HLM. Il est important de ne pas limiter cette vision aux quartiers les plus compliqués : l'action de l'Anru concerne une large diversité de contrées en France, y compris la Dordogne ! Ces rénovations ont fait leurs preuves, favorisant la mixité sociale et le développement de nombreux quartiers dans une véritable logique d'aménagement du territoire.
De telles initiatives doivent être encouragées localement, de façon décentralisée, pour une plus grande efficacité : j'ai pu constater, depuis que je siège au conseil d'administration de l'Anru, que tous les budgets disponibles ne parvenaient pas à être utilisés. Mes confrères marseillais me faisaient part récemment de leur perplexité lorsqu'ils constataient qu'en dépit des centaines de millions d'euros investis au cours des vingt-cinq dernières années, les résultats dans leur zone n'étaient pas au rendez-vous. La situation actuelle nécessite donc une réflexion, il nous semble important de modifier la gouvernance et de privilégier une prise de décision plus locale pour favoriser une transformation plus intelligente de nos villes et de nos villages.
S'agissant de la vacance des logements, certains observateurs peu familiers du secteur considèrent que, le nombre de logements vacants étant de l'ordre de quatre millions, cela suffirait, en théorie, à résoudre les problèmes de logement de nos concitoyens. En réalité, une grande partie de ces logements vacants se situe dans la « diagonale du vide », qui s'étend du grand Est jusqu'au Sud-Ouest, au sein de régions peu attractives en termes d'emplois disponibles. Nous ne pouvons pas forcer nos concitoyens à s'installer dans des régions où ils ne souhaitent pas vivre ni les contraindre à exercer une activité agricole, comme peuvent l'imaginer certains intellectuels ou think tankers comme M. Jean-Marc Jancovici.
Selon les données issues de l'Observatoire de la vacance, on estime qu'environ un million de logements sont inoccupés depuis deux ans, pas davantage. Certains sont bloqués en raison de problèmes de succession, tandis que d'autres sont en cours de rénovation. Encourager la mise en location de ces logements vacants ou envisager des sanctions pour les propriétaires qui les laissent inoccupés peut être une solution, même si nous ne sommes pas forcément favorables à ce type d'obligations ; mais cela ne résoudra pas tous les problèmes liés au logement de nos concitoyens.
Par ailleurs, tout le monde pense qu'en tant que professionnels, nous nous réjouissons de l'obligation de travaux et de l'interdiction de louer des passoires thermiques. Certes, cela promet du travail supplémentaire pour notre secteur, mais il nous paraît essentiel de privilégier les dispositifs incitatifs. Les propriétaires bailleurs ne forment pas un groupe homogène. Certains possèdent un grand nombre d'appartements et ont des revenus importants ; ils sont faciles à identifier et n'ont peut-être pas besoin d'aide financière. À l'inverse, une grande partie des loueurs sont des citoyens français moyens ou modestes qui possèdent un ou quelques appartements, fruits de leur investissement en vue de garantir un revenu complémentaire à la retraite : pour ces propriétaires, des mesures d'incitation nous semblent préférables à une obligation soudaine de rénovation qui serait imposée. S'il s'agit d'une décision politique, il faut accepter que l'aide soit plus conséquente.
Les contraintes qui pèsent actuellement sur la construction neuve et la rénovation énergétique sont nombreuses et elles appellent des choix politiques plus affirmés. Il est évident que nous sommes tous favorables à la préservation de la planète et qu'il ne s'agit pas d'être climatosceptique. Mais certaines étapes sont à revoir, en tenant compte de la situation d'endettement de l'État, d'une part, mais également de la baisse du pouvoir d'achat de nos concitoyens, d'autre part. L'équation est difficile à résoudre et elle impose de faire preuve de discernement. Nous ressentons déjà, malheureusement, un mécontentement latent face au problème du logement : 12 % des étudiants ne poursuivent pas leurs études en raison du manque de logements abordables ; pour l'accueil de nos stagiaires, c'est la « débrouille » pour essayer de leur trouver un logement, même dans des régions comme le Périgord où l'offre de logement social reste insuffisante. La crise du logement affecte de nombreux jeunes, qu'ils soient étudiants ou qu'ils souhaitent simplement progresser dans la vie, et c'est un problème qui va bien au-delà de l'économie du bâtiment : nous le ressentons au quotidien au travers du sort de nos salariés, qui appartiennent bien souvent à des milieux modestes.