La Chambre nationale de l'artisanat, des travaux publics et du paysage (CNATP) a le privilège de représenter deux secteurs, les travaux publics et les métiers du paysage, mais surtout de représenter les artisans de ces deux domaines. Lorsque nous parlons d'artisans dans ces secteurs, nous nous concentrons davantage sur des professionnels installés dans des zones rurales, même si l'on trouve des entreprises plus importantes dans les grandes agglomérations.
Pour ce qui concerne le logement et dans la mesure où nous représentons des métiers d'extérieur, notre perspective est un peu différente. Nous parlons certes beaucoup de rénovation énergétique et il est indéniable que des ressources considérables ont été investies dans ce domaine, ce qui est tout à fait louable. Cependant, nous estimons qu'il est essentiel de considérer le bâtiment dans sa globalité : actuellement, lorsqu'une rénovation énergétique est effectuée, elle vise à apporter un confort thermique et, éventuellement, à générer des économies pour les particuliers ; malheureusement, ces économies sont souvent réinvesties dans la consommation générale et non dans des dépenses autour du logement et de ses habitants, qu'ils soient locataires ou propriétaires. Notre demande consiste donc à réfléchir plus globalement à tout ce qui entoure le logement.
Les logements produisent des déchets et des eaux usées ; en France, il reste encore 20 % de logements qui ne sont pas aux normes en matière de traitement de ces eaux usées. Un tel taux n'est pas normal, d'autant qu'il concerne aussi le logement locatif. Ces 20 % représentent plus de cinq millions de logements et il nous paraît urgent d'agir. La France est très en retard, dans ce domaine, par rapport à d'autres pays européens tels que la Belgique. Il est anormal que notre secteur soit confronté à des réglementations différentes dans chaque département et chaque communauté de communes, avec des modalités d'application également différentes. Nous insistons sur la nécessité de réunir les parties prenantes pour moderniser ces règles, dont certaines commencent à dater – à l'image de celles relatives à l'assainissement, qui datent de 2011.
Dans le domaine de l'assainissement et notamment du logement salubre, il est temps de nous réunir et de nous entourer d'experts pour réexaminer les réglementations, en particulier dans le traitement des eaux usées. Le plan « Eau » est une avancée positive et la CNATP le soutient. Malheureusement, une fois de plus, il n'est pas assez ambitieux et n'aborde pas les questions de la récupération de l'eau de pluie, de son utilisation, de la rétention et de l'infiltration : aujourd'hui, l'eau de pluie est traitée comme un déchet et systématiquement rejetée au fossé. Il est impératif que nous travaillions plus intelligemment entre professionnels.
Nous avons de nombreuses idées d'axes de développement en la matière, notamment en investissant davantage sur les particuliers, qu'ils soient propriétaires ou locataires : si on leur annonce qu'ils profiteront demain de logements plus sophistiqués, capables de récupérer l'eau et de l'utiliser de manière optimale, ils seront incités à développer de nouvelles pratiques vertueuses, dans un domaine comme la production de légumes à domicile, par exemple. La réglementation autorise aussi, par un décret de 2008, l'utilisation d'eau de pluie dans les WC ou dans les machines à laver, moyennant un léger traitement : nous devons travailler sur ces sujets.
En dépit de certaines avancées permises par le plan « Eau », il nous semble que chaque pas en avant dans ce domaine est accompagné d'un recul simultané. Ainsi, concernant les eaux usées à usage non domestique et alors qu'avec le décret de 2008, nous pouvions utiliser l'eau de pluie dans des logements, locations ou bâtiments tertiaires, le décret n° 2023-835 du 28 août 2023 indique désormais le contraire. Il est extrêmement surprenant qu'en 2023, nous revenions sur des règles établies en 2008 et dans un sens qui n'est pas un progrès. Nous avons immédiatement soulevé ce point et adressé des courriers conjoints avec d'autres fédérations. Il nous a été répondu que ces règles seront réécrites ; j'espère que ces réécritures se feront en tenant compte des avis des professionnels du secteur. De nombreuses études ont été réalisées dans ce domaine et il est essentiel que les textes qui seront produits permettent d'aller de l'avant.
Pour ce qui concerne la densification des logements, il est indispensable que nous adoptions une vision globale. Au regard des dispositions de la loi ZAN, il faudra, en revanche, traiter les sujets au cas par cas, car, en milieu rural, nous sommes souvent confrontés à de grands bâtiments anciens, qui ne sont pas exploités comme ils devraient l'être en raison du coût de leur rénovation. Les dépenses atteignent des sommets et, selon les régions, nous opérons souvent sur des bases forfaitaires au mètre carré élevées. La loi ZAN pourrait compliquer la rénovation des logements existants, si elle entrave à l'excès notre marge de manœuvre.
L'augmentation des prix des matériaux constitue un défi, de même que la hausse du coût des travaux. Les acteurs des travaux publics et des paysages verront, dès l'année prochaine, le prix du carburant professionnel augmenter : la hausse affectera nos entreprises, cette dépense pouvant représenter jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires de certaines d'entre elles, comme les terrassiers ; pour les sociétés spécialisées dans les canalisations et les voiries et réseaux divers (VRD), ce poids est de l'ordre de 5 %. Il est même question d'une augmentation d'un tiers des coûts de carburant à l'horizon de 2030.
Il est clair que nous ne pourrons pas revenir au niveau des coûts que nous connaissions au démarrage des dernières politiques gouvernementales. Dans ce contexte et s'il est question de « mettre de l'argent sur la table », autant le faire en favorisant l'élaboration de solutions créatives pour convertir certains déchets, comme l'eau, en richesse réelle. Ces initiatives pourraient avoir un impact concret pour le bâtiment, y compris dans le secteur locatif. Certaines réglementations suscitent de réelles interrogations parmi nous et nous sommes disponibles pour en discuter, car cette situation est regrettable.