Intervention de François Schmauch

Réunion du jeudi 19 octobre 2023 à 9h00
Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

François Schmauch, docteur en sciences de gestion :

Il sera très difficile d'y remédier, car cette situation tient à des raisons culturelles, et au statut social des volontaires. Je reviens d'un colloque d'historiens aux frontières de la Pologne, où un corps de pompiers tchèque m'a été présenté : le statut social qui leur est offert permet très rapidement de comprendre que des volontaires y soient trouvés.

De plus, la charge de travail des pompiers est telle en France que les industriels (contraints par certains textes à les laisser partir) ne souhaitent plus en employer. Des calculs sont donc nécessaires à cet égard.

Les communes doivent être impliquées, pour recruter les chefs de corps dans les niveaux élevés de la société. Un texte anglais de l'entre-deux-guerres indiquait que le chef de corps volontaire (car il existait alors des pompiers volontaires en Angleterre) devait être le châtelain, le pasteur ou le directeur du collège, l'essentiel étant qu'il ait accès à des financements.

Dans de nombreux pays, lorsque les communes n'ont plus de pompiers, le service est obligatoire : en Allemagne, c'est le Pflichtfeuerwehr. Des pompiers sont nommés pour éteindre les feux. Ce ne serait pas possible en France, car ce système y serait perçu comme « totalitaire ».

En Angleterre, les territoires ont été classés de A à D en fonction du maillage des casernes disponibles, et chacun a accès à cette information. Lorsque vous installez une usine à 20 minutes d'une caserne de pompiers, on vous en avertit.

Au regard du faible nombre de volontaires disponibles en France, une solution consisterait peut-être à faire basculer le système vers le modèle anglais, avec des pompiers à temps partiel. Certains départements ont ainsi créé des pompiers volontaires postés, qui prennent des gardes à heures définies. La prochaine étape consistera à transformer les vacations en salaires, qui seront donc fiscalisés, ce qui finira de faire fuir les pompiers volontaires. Le système actuel atteint donc ses limites, car il n'a jamais vraiment été dimensionné pour garantir une capacité d'intervention minimale, malgré la soixantaine de textes existants sur les pompiers volontaires que j'ai pu dénombrer.

Il est possible de compenser le manque de volontaires par des moyens très lourds, comme le font notamment les Américains : fournir à deux pompiers un camion de 20 mètres cubes d'eau avec une grosse pompe leur permet au moins d'attendre les renforts.

Je crains néanmoins que la situation soit très grave. Plus on ferme de casernes, plus les volontaires s'en vont, car les volontaires sont socialement attachés à leurs communes, où ils ont besoin d'être connus. Dans les mois qui viennent, cinq casernes de sapeurs-pompiers volontaires vont fermer, sous l'effet de la crise. En Loire-Atlantique, le corps de 150 sapeurs-pompiers volontaires de Bouaye, disponible presque immédiatement, sera remplacé par une garde postée d'une dizaine de pompiers qui auront 3 000 sorties à effectuer par an : c'est perdu d'avance. J'ai écrit l'histoire de ce corps dans un livre qui sortira dans quelques jours. Il assurait dans 80 % des cas une réponse en 10 à 12 minutes sur les communes où il était stationné. Jamais ses membres n'accepteront de travailler dans d'autres communes. Les pompiers volontaires sont communaux dans le monde entier, ce qui n'empêche pas leur hiérarchie opérationnelle de couvrir un département ou une région. Cette perte d'ancrage local s'ajoute à une surcharge de travail. Certains corps de pompiers volontaires ont dépassé 1 000 sorties par an, ce qui occupe en Angleterre trois équipes à temps plein.

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