Nous avons été confrontés à une situation inédite en termes de crise de sécurité civile, car nous avions deux incendies de grande ampleur sur le même département. De plus, nous ne disposions pas de fenêtres de tir pour les éteindre. Nous faisions face à des incendies qui gagnaient en puissance et, malgré toutes les tactiques mises en œuvre, les conditions météorologiques empêchaient leur extinction.
Nous avons alors rapidement maintenu les fondamentaux en termes de structuration du commandement, avec un DOS et un commandant des opérations de secours (COS). Nous avons toutefois adapté cette structure à la situation. En effet, tout n'était pas dans le manuel et, à plusieurs reprises au cours de ces mois d'été, nous avons pris des mesures extraordinaires. D'abord, Mme la préfète Buccio a pris la direction des opérations de secours, tandis que j'ai assumé le rôle de COS. Cependant, nous avions affaire à deux feux majeurs séparés par environ 50 kilomètres. N'ayant pas le don d'ubiquité, le commandant de terrain avait plus de latitude qu'un simple chef de secteur, mais des priorités devaient être établies entre les chantiers.
Ces priorités ont été définies et validées par Mme la préfète de manière très claire. Il fallait d'abord éviter les pertes humaines au niveau des deux incendies principaux, puis empêcher l'apparition d'un troisième incendie de grande ampleur. Sur les trois mois d'été, nous avons dû traiter 640 départs de feu. Nous devions donc conserver nos moyens pour les déployer sur les incendies qui survenaient, en particulier le 18 juillet, maintenant appelé le « lundi noir ». À ce moment-là, les deux incendies principaux ont atteint leur pic de virulence et nous avons dû traiter un troisième feu à Vendays, que nous sommes parvenus à « coiffer ». En parallèle, nous devions maintenir la réponse quotidienne en matière de sécurité civile, c'est-à-dire assurer 300 à 400 interventions journalières, dont 80 % représentaient des secours à des personnes.
Notre structuration a conduit à avoir deux DOS de terrain, qui connaissaient leur marge de manœuvre et rendaient compte régulièrement à Mme la préfète pour divers aspects de la gestion de la crise. Cette structure se retrouvait du côté des sapeurs-pompiers, avec des COS de terrain, bien que leur autonomie soit moins étendue que dans une opération classique. Ils devaient rendre compte et faire valider des idées de manœuvres ou de propositions.
Pour maintenir un lien avec les élus, les deux mêmes lieutenants-colonels étaient présents sur les PC, de même que les deux sous-préfets, tandis qu'une rotation était mise en place la nuit. La structuration très claire a permis que l'inter-service fonctionne avec aisance, évitant ainsi toute tension avec les forces de l'ordre, notamment lorsqu'il a fallu préparer des évacuations. Des réunions étaient tenues avec le sous-préfet, le COS de terrain et le correspondant de police ou de gendarmerie pour élaborer des stratégies en termes de temporalité et de zones géographiques à évacuer en priorité. Ce travail était partagé avec le maire, qui apportait sa connaissance du territoire.
Lorsque des innovations ont été nécessaires, nous avons mis en œuvre des techniques opérationnelles connues, mais que nous avons élevées à une échelle industrielle. Par exemple, les feux tactiques supposaient de mettre le feu à des parcelles appartenant à des propriétaires forestiers. Les sous-préfets, les maires et élus étaient d'ailleurs à nos côtés pour faire œuvre de pédagogie auprès des sylviculteurs. De plus, nous avons travaillé avec des coupes tactiques, qui représentent une nouvelle technique opérationnelle. Comme nous n'avions pas de point de rendez-vous dans des délais raisonnables, nous avons été amenés à couper du bois grâce à la DFCI en partenariat avec les sylviculteurs. Nous ne disposions alors d'aucune base légale, mais un travail a permis d'introduire cette mesure dans le code forestier. La directrice des opérations de secours a pesé de tout son poids, notamment parce que dans la loi de modernisation de la sécurité civile, tous les moyens réquisitionnés au profit du SDIS sont à la charge de l'établissement public. En effet, lorsque vous êtes confronté à une crise hors normes, il est nécessaire de faire appel à la solidarité nationale. C'était l'une des premières fois que nous avions été amenés à le faire et Mme Buccio s'était montrée très claire.