Je suis né en Gironde, et plus particulièrement dans le massif des Landes de Gascogne. Au fil des années, j'ai occupé des rôles de directeur général des services (DGS) dans des communes et j'ai pu observer divers évènements dans cette région, y compris des tempêtes majeures et des incendies, comme ceux dans le Médoc dans les années 1990 et dans la région de Saint-Jean-d'Illac en 2015. Ce dernier, bien que de moindre ampleur en termes de superficie brûlée, a marqué les esprits, car il s'est rapproché dangereusement de l'agglomération bordelaise.
Au fil du temps, j'ai observé une évolution dans la manière d'aborder les crises et les risques. À l'époque de la tempête Martin, nous n'étions pas du tout préparés à affronter un évènement d'une telle envergure. La désorganisation était très importante, avec des coupures d'électricité pendant un mois dans certaines communes, des problèmes de distribution d'eau et une organisation improvisée, parfois désordonnée, avec des communes se disputant les groupes électrogènes.
Aujourd'hui, il semble y avoir un niveau de préparation légèrement meilleur, mais les renouvellements électoraux entraînent des changements de maires. Être directeur des opérations de secours (DOS) dans sa commune ne fait généralement pas partie de la formation initiale des maires. Ils acquièrent donc cette conscience soit lors de la crise elle-même, soit en se préparant en amont, notamment en élaborant des plans communaux de sauvegarde. Dans notre petite commune de 1 300 habitants située dans le massif, nous disposons d'un plan communal de sauvegarde depuis plusieurs années. Celui-ci doit être testé régulièrement pour garantir son opérationnalité au moment où il sera utilisé.
Dans notre conseil municipal, nous avons la chance de compter un ancien pompier, dont l'expérience est inestimable pour nous aider à déployer notre plan communal de sauvegarde. Toutefois, il est essentiel que les maires prennent pleinement conscience de l'importance de ce plan et de la nécessité de le tester régulièrement.
Aujourd'hui, je constate que les maires dont les communes ont été touchées par des incendies sont évidemment beaucoup plus sensibles à l'utilité des plans communaux. Le travail effectué en collaboration avec l'Association des maires de Gironde (AMG) et le SDIS, qui propose des formations aux élus, vise à sensibiliser l'ensemble des élus. La dernière journée des maires du conseil départemental, qui s'est tenue il y a quelques semaines, portait justement sur la question des risques. Je considère que cette sensibilisation en amont est un élément essentiel à prendre en compte.
La question de la population est également importante, car elle se renouvelle et évolue régulièrement, y compris dans les milieux ruraux. Si les autochtones ont développé une culture du risque incendie et forestier dans le massif des Landes de Gascogne, de nombreux nouveaux habitants et touristes ne sont, cependant, pas toujours conscients de ces risques. Ils peuvent soit contribuer à créer des risques, soit devenir des victimes.
En ce qui concerne les relations entre les différents acteurs, je tiens à souligner –étant à la fois président de conseil départemental et président de SDIS –, l'excellente collaboration que nous avons entretenue avec la Mme la préfète Buccio et les deux sous-préfets, à savoir Vincent Ferrier et Ronan Léaustic. Les évènements que nous avons vécus ont renforcé les liens entre les différents acteurs, que ce soit l'État, à travers la préfète et les sous-préfets, ou l'ensemble des organisations de sécurité civile sur le terrain. Ces incendies, que l'on peut qualifier d'historiques, ont resserré les rangs et ont montré l'importance d'une collaboration étroite entre toutes les parties prenantes. La relation entre le SDIS et la DFCI a également été très bonne, cette dernière ayant été un partenaire majeur de la défense contre ces incendies, parfois même au-delà de son périmètre officiel. La relation entre le SDIS et la DFCI est très structurée en raison des incendies d'après-guerre, la connaissance mutuelle entre les personnels permettant d'être rapidement opérationnel.
S'agissant des maires, nous avons essayé de les accompagner autant que possible, notamment en ouvrant les collèges pour accueillir les populations évacuées, en offrant un appui pour les personnes handicapées, ainsi que pour les personnes âgées en situation d'isolement, et en ouvrant un domaine départemental qui est une base de loisirs. Ce domaine a accueilli des pompiers, des militaires, la DFCI, la protection civile, des élus et des bénévoles départementaux, qui ont servi jusqu'à 2 000 repas matin, midi et soir, ainsi que la nuit. Nous avons également accueilli les troupes européennes. Ces actions nous ont inspiré l'élaboration d'un document qui sera inédit en France, à savoir un plan départemental de sauvegarde. Il s'incrémenterait entre l'organisation de la sécurité civile nationale et les plans communaux et intercommunaux de sauvegarde, afin de pouvoir jouer un rôle complémentaire pour face à ce type de crises.