Je ne reviendrai pas sur les éléments budgétaires, qui ont été présentés par Mme la ministre, et concentrerai mon intervention sur la partie thématique de mon rapport, que j'ai consacrée cette année aux relations financières entre l'État et les collectivités territoriales en matière de sécurité.
Si la sécurité est une compétence régalienne de l'État, les maires jouent un rôle essentiel en termes de maintien de l'ordre, de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques mais aussi de prévention de la délinquance sur le territoire de leur commune. Les élus locaux sont toujours en première ligne – on a vu leur engagement pendant les émeutes urbaines –, ce qui pose la question des moyens à leur disposition pour assurer ces missions.
Les auditions que j'ai faites m'amènent à faire deux constats.
Premièrement, l'État participe activement au financement des opérations liées à la sécurité mises en œuvre par les collectivités territoriales. Ce soutien passe d'abord par le fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPD), créé en 2007, qui cofinance, avec les collectivités territoriales et les associations, des actions en faveur de la prévention de la délinquance et de la radicalisation. Il cofinance aussi des actions de sécurisation qui regroupent par exemple les dispositifs de vidéoprotection ou l'équipement des polices municipales. Les crédits du FIPD sont répartis entre une enveloppe gérée au niveau national – environ un tiers de la dotation – et une enveloppe déconcentrée.
En 2024, les crédits du FIPD destinés aux équipements en vidéoprotection, soit 25 millions d'euros, seront transférés à la nouvelle direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (Depsa). Celle-ci aura pour objectif de mieux articuler le continuum de sécurité dont font partie les polices municipales et d'assurer la gestion des crédits alloués aux communes pour financer des dispositifs de vidéoprotection dans un contexte où le soutien financier de l'État en la matière doit tripler d'ici à 2027. En 2024, le FIPD sera ainsi doté de 62,4 millions mais les politiques de sécurité habituellement financées par le FIPD s'établiront à 87,4 millions, en hausse d'environ 5 millions par rapport à l'année dernière ; 50 millions seront utilisés pour cofinancer des projets avec les collectivités locales, principalement les communes.
Les collectivités peuvent également mobiliser les dotations de droit commun – dotation d'équipement des territoires ruraux et dotation de soutien à l'investissement local – pour financer des projets de sécurité. Ces dotations contribuent même plus que le FIPD au financement d'opérations de sécurité ; elles ont un périmètre beaucoup large, qui englobe la mise aux normes et la sécurisation des équipements publics.
Enfin, les crédits de la politique de la ville cofinancent des projets visant à améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers urbains défavorisés, ce qui implique des opérations liées à la sécurité. Je songe au dispositif Adultes-relais et à toutes les actions territorialisées prévues dans les contrats de ville qui ont vocation à prévenir la délinquance dans ces territoires. Ces actions peuvent aussi être soutenues par la dotation politique de la ville (DPV).
Le deuxième constat est celui du manque de traçabilité fine des crédits mobilisés en matière de sécurité par l'État, en raison du mode de gestion du FIPD – dont la souplesse est par ailleurs appréciée au niveau local. On manque d'une évaluation quantitative et qualitative des aides attribuées et des projets financés en matière de sécurité. La gestion des deux tiers des crédits du FIPD étant déléguée aux préfets de région depuis 2019, l'administration centrale ne peut pas recenser l'ensemble des projets financés par ce fonds. De plus, il n'y a pas d'information précise sur l'exécution des crédits en fin de gestion. Cette gestion déconcentrée de l'enveloppe, qui est la marque d'une autonomie accordée aux préfets dans la programmation et l'arbitrage de leur dotation, permet une consommation au plus près de la programmation, puisque les préfets de région disposent d'une flexibilité significative dans l'allocation de leurs crédits.
S'il est nécessaire que le préfet conserve un pouvoir d'attribution réel, adapté aux situations locales, la communication autour de l'attribution des subventions pourrait être améliorée avec l'organisation, au niveau départemental, d'une réunion annuelle de présentation des dossiers ayant obtenu une subvention du FIPD, ébauche d'une forme de règlement financier. Une relation renforcée entre le représentant de l'État et les élus locaux est souvent un gage de qualité de la politique publique locale menée. À ce titre, la gestion déconcentrée des crédits du FIPD est une illustration de l'efficacité du couple maire-préfet.
Il ne me paraît pas souhaitable de remettre en cause cette souplesse par l'introduction de critères contraignants ou par l'intégration d'une forme de pluriannualité dans les financements du FIPD, laquelle risquerait de créer des montants de restes à payer importants et ne garantirait pas la disponibilité des crédits d'une année sur l'autre. En outre, les nouveaux contrats de sécurité intégrée ont déjà une dimension pluriannuelle puisqu'ils sont valables pendant la durée du mandat municipal restant à courir. Ils donnent ainsi une visibilité sur les moyens dédiés par l'État à la sécurité et sur ceux que les collectivités s'engagent à y consacrer. En revanche, il conviendrait peut-être de renforcer la traçabilité des crédits mobilisés, grâce à des indicateurs spécifiques.
Madame la ministre déléguée, vous paraît-il possible de créer de tels indicateurs et d'organiser la remontée des informations des échelons déconcentrés de l'Etat vers l'échelon central, de façon à fournir au Parlement et à vos services une information précise sur la manière dont les collectivités utilisent les crédits du FIPD ?