Je suis très heureuse d'intervenir devant votre commission pour vous présenter les principales mesures du projet de loi de finances pour 2024 intéressant les collectivités et pour échanger avec vous. J'évoquerai tout d'abord le contexte dans lequel le PLF a été élaboré et la méthode de travail que je souhaite résolument mettre en œuvre dans le cadre des relations entre l'État et les collectivités locales.
En premier lieu, le contexte macroéconomique appelle à la responsabilité collective. Il est essentiel que l'État comme les collectivités agissent de manière responsable, compte tenu de la situation actuelle de la dette et de nos engagements envers l'Europe.
La dette financière représente 3 000 milliards d'euros : ils généreront 48 milliards d'euros de frais financiers en 2024. Avec la hausse des taux, ils atteindront 74 milliards d'euros en 2027, soit plus que le budget de l'éducation nationale. S'agissant du déficit, 4,9 % du PIB en 2023, nous fixons une cible de 4,4 % en 2024, en cohérence avec notre trajectoire financière, laquelle vise un retour sous les 3 % de déficit à l'horizon 2027.
Concernant la trajectoire pluriannuelle des finances publiques locales jusqu'en 2027, les dépenses de fonctionnement des collectivités progressent, mais moins rapidement que l'inflation : elles augmenteront de 23 milliards d'euros d'ici à 2027, pour atteindre 224 milliards. Je souligne à cet égard que l'effort demandé aux collectivités est trois fois moins important que celui demandé à l'État – soit une baisse de 0,9 %, versus une diminution de seulement 0,3 % pour les administrations publiques locales.
L'investissement reste dynamique. Les dépenses d'investissement sont supérieures à leur niveau de 2022. Les collectivités, en tant que principal investisseur public, ont un rôle crucial à jouer, notamment dans le domaine de la transition écologique. Il est donc du devoir de l'État de les soutenir, afin qu'elles puissent pleinement assumer ce rôle. Telle est précisément la direction que nous prenons avec ce PLF pour 2024.
Par ailleurs, de ces enjeux partagés pour l'avenir découle une méthode de travail entre l'État et les collectivités. Elle se doit d'être une relation de confiance, d'égal à égal, dans le respect des rôles et des responsabilités de chacun, et dans celui du principe de libre administration. C'est dans cet esprit que le Président de la République a organisé les rencontres de Saint-Denis, le 30 août dernier, et que la Première ministre a lancé l'agenda territorial, qui a pour ambition de se doter d'un calendrier de travail partagé entre l'État et les collectivités et de donner de la visibilité, dans le cadre d'une relation de confiance.
Cette méthode est également celle retenue par Bruno Le Maire, qui a lancé le Haut Conseil des finances publiques locales (HCFPL), le 19 septembre dernier, conformément aux annonces des assises des finances publiques. Le Haut Conseil est conçu comme une instance de dialogue de haut niveau politique sur la stratégie des finances publiques.
Enfin, cette méthode est celle que je me suis personnellement engagée à déployer avec les membres du Comité des finances locales (CFL), ainsi que je l'ai indiqué à son président André Laignel le 26 septembre dernier, à l'occasion de la présentation du PLF pour 2024, en présence de Thomas Cazenave. J'ai la ferme volonté de renforcer la concertation entre l'État et les collectivités, à un niveau politique.
Au-delà des seuls sujets financiers, cette méthode de coconstruction est aussi celle que je déploie lorsque je réunis, comme hier, près de 400 élus, lors de la Convention nationale de la démocratie locale (CNDL), pour réfléchir ensemble aux conditions d'exercice des mandats locaux et au statut de l'élu local : des conséquences sont à tirer dès l'élaboration du PLF – j'y reviendrai.
J'en viens à la présentation du contenu des principales mesures du PLF intéressant les collectivités locales. Vous avez déjà largement étudié le projet de loi de finances et examiné les amendements déposés, aussi je concentrerai mes propos sur les actualités les plus prégnantes et sur les points qui ont retenu votre attention lors des débats en commission des finances.
Avant d'entrer dans le détail je tiens à souligner que, dans le cadre du PLF pour 2024, le Gouvernement sera aux côtés des collectivités territoriales, comme il l'est depuis 2017.
Comme en 2022 et en 2023, le budget pour 2024 prévoit de soutenir le fonctionnement des collectivités locales, avec un nouvel abondement de la dotation globale de fonctionnement (DGF), à hauteur de 220 millions d'euros, ce qui porte le montant total de cette dotation à plus de 27 milliards. En deux ans, le Gouvernement aura donc augmenté la DGF de 540 millions d'euros. Cette hausse ne correspond certes pas à l'indexation sur l'inflation demandée par les associations d'élus, à laquelle le Gouvernement ne souhaite pas donner suite, l'État subissant également l'inflation : celle-ci a non seulement un impact sur les dépenses, mais aussi sur les recettes des collectivités.
Ces 220 millions d'euros supplémentaires seront répartis de façon à abonder les composantes de péréquation de la DGF, 100 millions d'euros allant à la dotation de solidarité rurale (DSR), 90 millions d'euros à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et 30 millions d'euros à la dotation d'intercommunalité (DI). Au total, la DI bénéficiera de 90 millions d'euros supplémentaires : comme les années précédentes, dans une logique de péréquation accrue, la dotation de compensation de la DGF des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sera écrêtée pour abonder la DI, d'un montant de 60 millions d'euros.
De même, ce budget nous donne collectivement les moyens d'atteindre deux des engagements du Gouvernement, que j'ai l'honneur d'assumer. Un engagement national a ainsi été pris pour réduire les délais de délivrance des titres sécurisés, la dotation titres sécurisés (DTS) s'établissant désormais à 100 millions d'euros. Je rappelle à cet égard que notre objectif a été atteint puisque le délai moyen de prise de rendez-vous est repassé sous la barre des 30 jours, se situant autour de 17 jours – il était de 18,4 jours en moyenne au 16 octobre 2023.
Le financement du plan de prévention et de lutte contre les violences faites aux élus est pour l'instant doté de 5,5 millions d'euros. Le texte initial comporte, via la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL), un abondement pour financer l'extension de la protection fonctionnelle des élus aux communes de moins de 10 000 habitants, contre 3 500 actuellement. Ce sujet sera de nouveau discuté au Sénat, dans le cadre de la continuité des travaux de la CNDL. Une demande assez forte émane en effet de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) ainsi que de nombreux parlementaires, visant à supprimer le potentiel financier des critères de répartition de la DPEL, à laquelle Christophe Béchu et moi-même sommes favorables.
Par ailleurs, je souhaite donner un nouvel élan au processus de création de communes nouvelles – travail que j'ai mené avec deux députés et deux sénateurs, depuis le mois de septembre. Nous avons décidé de leur donner davantage de visibilité financière dans la durée et de renforcer le soutien financier initial à leur égard, afin de leur donner les moyens nécessaires pour réussir leur fusion, d'assurer une continuité de service public et de favoriser leur développement territorial. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement propose, à l'issue des travaux de la mission sur les communes nouvelles de M. Stéphane Delautrette et Mme Stella Dupont, de remplacer le pacte de stabilité actuel par une garantie sans limite de temps, protégeant les communes nouvelles de moins de 150 000 habitants contre toute baisse de DGF à venir, indexée sur l'évolution de la DGF – en d'autres termes, la dotation de la commune nouvelle ne sera jamais inférieure à la somme des dotations des communes qui la composent –, et par une dotation d'amorçage de 10 euros par habitant – elle est actuellement de 6 euros –, à laquelle seront éligibles les communes nouvelles de moins de 150 000 habitants pendant leurs trois premières années d'existence.
Deuxièmement, le budget pour 2024 accompagne les élus dans la réalisation de leurs projets de territoire. L'État met ainsi 11,7 milliards d'euros à disposition des collectivités pour les soutenir dans leur rôle de premier investisseur public. Ces crédits se décomposent de la façon suivante.
Tout d'abord, 7,1 milliards seront affectés au fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), incluant un effort complémentaire de 250 millions pour les dépenses relatives aux aménagements de terrain. Cet effort illustre la vertu du dialogue et de l'écoute réciproques entre l'État et les collectivités, puisqu'il s'agit d'un point sur lequel les parlementaires appellent l'attention du Gouvernement depuis plusieurs mois. J'ai bien noté le souhait de certains d'entre vous d'aller encore plus loin, en demandant la rétroactivité de l'éligibilité pour ces dépenses d'aménagement. Je n'y suis pas favorable, en raison de l'effet d'aubaine que cela générerait.
Le soutien à l'investissement local bénéficiera ensuite de 4,614 milliards d'euros, grâce à la mobilisation de fonds et de dotations. Le fonds Vert sera ainsi porté à 2,5 milliards en 2024, soit une hausse de 25 % par rapport à son montant en 2023 ; une enveloppe de 500 millions d'euros sera dédiée à la rénovation énergétique des écoles. Les dotations classiques seront maintenues à un niveau historique de 2,114 milliards d'euros, décomposés comme suit : 1,046 milliard pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), 570 millions pour la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), 200 millions pour la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID), 150 millions pour la dotation politique de la ville (DPV). Il convient d'ajouter à ces crédits la partie territorialisée du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), qui s'établit à 148 millions en 2024.
Troisièmement, le budget 2024 amplifie la contribution des collectivités à la transition écologique. En plus de l'augmentation du fonds Vert, le PLF prévoit la poursuite du mouvement de verdissement des dotations : désormais, 30 % des projets soutenus par la DSIL, 25 % de ceux soutenus par la DSID et 20 % de ceux soutenus par la DETR devront concourir à la transition écologique. Cela correspond, au total, à un effort de verdissement de près de 300 millions d'euros. Il sera néanmoins progressif, car nous ne saurions attendre des élus un effort de 100 % de verdissement pour leur développement local. La construction d'une école, même respectant toutes les normes environnementales, a nécessairement un impact sur l'environnement.
Notre soutien à la transition écologique passe également par une réforme et par l'augmentation des moyens consacrés à la dotation biodiversité et aménités rurales, qui s'élèvera à 100 millions d'euros en 2024 ; cette mesure du plan France ruralités a été annoncée par la Première ministre, le 15 juin dernier. La dotation sera désormais élargie à l'ensemble des communes rurales dont au moins 350 hectares de leur territoire sont couverts par une aire protégée, sans aucune autre distinction ; elle contribuera ainsi aux objectifs de la stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP). Elle ne sera donc désormais plus limitée aux seuls parcs naturels, parcs régionaux ou zones Natura 2000.
Par ailleurs, nous voulons sortir de la logique dans laquelle la population reste le seul critère de répartition de la dotation, en le limitant à un tiers de la population, les deux autres tiers étant déterminés en fonction de la surface. Cela permettra de prendre en compte la dimension liée à l'espace : plus le territoire d'une commune rurale est important, plus les aménités rurales présentes sur le territoire seront rémunérées. Il s'agit d'une logique incitative, visant à encourager les élus à aller encore plus loin en matière de préservation des aménités rurales.
Concernant le budget vert, le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, David Valence, a déposé un amendement extrêmement pertinent, visant à mettre en place une nouvelle annexe budgétaire intitulée « mesure de l'impact environnemental du budget » au compte administratif ou au compte financier unique, dès 2024. Ce sujet est cher à son prédécesseur Thomas Cazenave.
Le budget pour 2024 entend renforcer l'attractivité de tous les territoires, en particulier les plus fragiles. Le texte comporte une modernisation des dispositifs zonés de soutien au développement économique et à l'emploi, en particulier une réforme des zonages de soutien aux territoires ruraux – les zones de revitalisation rurale (ZRR). Dès l'automne 2022, j'ai lancé une concertation auprès de tous les acteurs concernés – élus locaux, parlementaires, acteurs économiques et associations. Je la poursuis avec l'ensemble des groupes parlementaires et je suis à votre disposition pour échanger autour des points que vous jugeriez souhaitables de faire évoluer.
L'objectif est de parvenir, de façon consensuelle – idéalement avec tous les parlementaires –, à une modernisation de cet outil, à la fois symbole de la reconnaissance par l'État de la vulnérabilité des territoires et soutien au développement économique et à l'emploi d'exonération de charges fiscales et sociales, tandis qu'un deuxième niveau sera renforcé, avec des exonérations plus importantes ; le renforcement du suivi et de l'évaluation du dispositif, via la mise en place d'indicateurs, pour suivre le déploiement et l'efficacité du zonage.
De plus, le Gouvernement propose de zoner intégralement quelques départements à la densité faible et en situation de déprise démographique sévère – baisse de la population de plus de 4 % entre 1999 et 2009. Seraient donc intégralement zonés le Cantal, la Creuse, l'Indre, la Nièvre, la Haute-Marne et la Meuse.
Au-delà des ZRR, le budget pour 2024 permettra de financer les annonces du plan France ruralités – 90 millions d'euros y seront consacrés –, en mettant l'accent sur l'ingénierie, avec le recrutement de 100 chefs de projet « Villages d'avenir », tandis que 40 millions seront destinés à l'ingénierie dans les territoires et 11 millions au développement de tiers-lieux. Pour ma part, je suis très favorable au renforcement de l'appui de l'État au financement des postes de chef de projet Villages d'avenir.
J'achève ainsi ma présentation des principales dispositions du projet de loi de finances pour 2024. En tant que ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité je défendrai ces mesures, étant convaincue que ce PLF équilibré et porteur envoie un signal très affirmé de soutien aux collectivités, dans leur fonctionnement au quotidien comme dans leur rôle de préparation de l'avenir. Le tout s'inscrit dans le cadre d'une trajectoire des finances publiques dont nous sommes, État et collectivités, solidaires.