L'examen des crédits de la mission Travail et emploi intervient alors que le Parlement arrive en fin d'examen du projet de loi pour le plein emploi, après que la commission mixte paritaire s'est révélée conclusive le 23 octobre dernier. Ce texte n'est pas sans incidence sur les orientations du projet de budget pour 2024.
Avec un taux de chômage historiquement bas, à 7,2 % de la population active, et 84 % des entreprises anticipant des difficultés de recrutement au troisième trimestre 2023, l'enjeu n'est pas tant celui du niveau des crédits que celui du ciblage des dispositifs et des fonds vers les personnes les plus éloignées de l'emploi.
Rappelons que les conditions de travail se sont améliorées : les embauches en CDI ou en CDD long ont augmenté et le temps partiel a diminué depuis la crise sanitaire. Par ailleurs, les salaires nominaux ont fortement progressé pour répondre à l'inflation.
Il nous faut garder en tête ces éléments de contexte importants à l'occasion de l'examen des amendements. Nous ne pouvons pas aborder les choses comme nous l'aurions fait il y a quinze ans quand le chômage dépassait 9 %.
Le niveau des crédits démontre par ailleurs l'engagement renouvelé du Gouvernement pour aller chercher les personnes les plus éloignées de l'emploi, avec la volonté d'abonder les dispositifs les plus efficaces.
Je souhaiterais tout d'abord donner un chiffre global, celui de 284 milliards d'euros : c'est le montant de l'effort financier de l'État en faveur de l'emploi et du marché du travail en 2021. Cette enveloppe est utilisée pour inciter à l'embauche et à l'activité, soutenir les revenus en cas de privation d'emploi et financer l'apprentissage et la formation professionnelle, mais aussi l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Avec 22,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, la mission Travail et emploi ne représente budgétairement que 8 % de cet ensemble.
Malgré tout, ce budget connaît une nouvelle forte hausse par rapport aux crédits ouverts pour 2023 : celle-ci atteint 13 % en autorisations d'engagement et 8 % en crédits de paiement, soit une progression respective de 2,6 milliards et 1,7 milliard d'euros. Cette augmentation découle essentiellement de l'accroissement des dépenses du programme 103 en faveur de l'apprentissage.
Le PLF pour 2024 prévoit ainsi dès la programmation initiale une subvention de 2,5 milliards d'euros, contre 1,7 milliard dans le PLF pour 2023. Ces efforts ne suffisent cependant pas pour réduire l'écart de 6 milliards d'euros entre les recettes et les dépenses de l'alternance. Cette trajectoire difficilement soutenable me conduira à défendre un amendement de recentrage du dispositif. Il s'agira de revenir à l'esprit de la réforme de 2018 en supprimant le bénéfice de l'aide unique aux employeurs d'apprentis préparant un diplôme égal ou supérieur à bac + 3, pour les entreprises comptant plus de 250 salariés. Sans être caricatural, quand on connaît les difficultés à recruter, on peut admettre que les plus grandes entreprises n'ont pas besoin d'aide à l'embauche pour recruter des cadres, même en apprentissage, d'autant que les salaires sont plafonnés en pourcentage du SMIC et totalement exonérés de cotisations, quel que soit le niveau de diplôme. Nous y reviendrons, mais je ne peux que vous inciter à adopter cet amendement tant il est juste ; en outre, nous pourrons redéployer une partie de l'argent ainsi économisé.
Dans un second amendement, je proposerai la création d'une dotation de soutien à l'investissement pour les centres de formation d'apprentis (CFA) des métiers de la main les plus en difficulté, afin de compenser le niveau insuffisant de la prise en charge, pour des crédits qui sont, en principe, hors du champ de l'opérateur de l'État.
Je serai également favorable aux amendements qui visent à abonder le fonds de développement de l'inclusion (FDI), en émettant le souhait qu'il soutienne plus particulièrement les associations intermédiaires, dont l'aide au poste est la plus faible des structures de l'insertion par l'activité économique (IAE).
Voilà, mes chers collègues, quelques mesures qui permettraient d'accroître, à coût constant, notre soutien là où il est le plus efficace.
Dernier point au sujet de l'apprentissage, je souhaite mener un travail sur la question de la création d'un contrat unique dédié à l'alternance. La frontière qui subsiste entre l'apprentissage et la professionnalisation ne me semble plus guère avoir de sens : l'alternance devrait être possible à tout âge, avec un ciblage sur les formations des chômeurs de longue durée, dans les métiers en tension et les filières stratégiques.
Nous reviendrons amplement, dans le cadre de l'examen des amendements, sur les crédits dédiés à Pôle emploi, à l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée ou aux contrats aidés.
En conclusion, je donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Travail et emploi. Ces crédits sont la traduction budgétaire des réformes cohérentes du marché du travail et des politiques de l'emploi menées depuis 2017. Elles ont produit des résultats extrêmement encourageants, qui nous invitent à poursuivre nos efforts.