La mission Pouvoirs publics correspond au budget des institutions de la République : l'Élysée, l'Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République. Or il s'agit d'un sujet particulièrement sensible : les citoyennes et citoyens sont très attentifs à l'utilisation des fonds par les institutions des pouvoirs publics, et ils ont raison de l'être.
Ici, nous faisons la loi – quand le 49.3 ne nous en empêche pas. D'une manière générale, nos institutions se doivent d'être exemplaires en matière de transparence budgétaire et de politique salariale ; malheureusement, ce n'est pas toujours le cas.
Cette année, le budget total de nos institutions augmente de 5,7 %. Toutes les dotations, sauf celles de la Cour de la justice de la République, sont en progression.
Celle de la Présidence de la République bondit de 11 %, ce qui représente 122,6 millions. En outre, la Présidence de la République signale un gros trou dans son budget de 2023 : le budget exécuté serait de 127,4 millions annoncés, contre 114,4 millions prévus en loi de finances. Comme l'année dernière, la Présidence invoque le contexte inflationniste, les mesures indiciaires pour la rémunération des fonctionnaires, les prix de l'énergie, mais surtout une hausse de 24,2 % du poste des déplacements présidentiels, tout cela étant appelé « recalibrage structurel » – bel élément de langage !
Il est étonnant de lire cette argumentation pour la deuxième fois dans la demande de dotation de la Présidence de la République quand on sait ce qui est répondu à d'autres institutions et collectivités qui invoquent les mêmes facteurs externes pour obtenir des crédits supplémentaires. Les collectivités territoriales ont exactement les mêmes problèmes que l'Élysée : elles font face à l'inflation, à la hausse des prix de l'énergie et aux mesures indiciaires pour les fonctionnaires ; pourtant, elles n'ont pas une rallonge budgétaire de 11 %… alors que des services publics locaux dépendent directement de leurs capacités budgétaires, ce qui n'est pas le cas de la Présidence de la République.
Finalement, l'Élysée demande presque à indexer son budget sur l'inflation : précisément ce dont nous avons plusieurs fois débattu ici au sujet des collectivités, malheureusement sans succès.
Le Conseil constitutionnel demande une hausse de 34,9 % du fait de deux dépenses exceptionnelles, dont le renforcement de la sécurité de l'accueil des visiteurs. Le Sénat demande une augmentation de 2 %, soit 353,4 millions, invoquant une hausse sensible des dépenses de fonctionnement en même temps qu'une baisse des dépenses d'investissement. L'Assemblée nationale demande également une hausse pour la troisième année consécutive, de 6,4 %.
Loin de moi l'idée que ces hausses ne seraient pas justifiées : elles le sont dans un contexte inflationniste et d'augmentation – insuffisante – du salaire des fonctionnaires. Mais l'argument s'applique à d'autres institutions comme aux citoyens eux-mêmes, qui ne bénéficient pourtant pas des mêmes rallonges de leur budget. J'alerte, comme l'année dernière, sur l'importance de ne pas aggraver la fracture entre les citoyens et nos institutions en ne tenant pas assez compte du double langage de certains membres de la majorité relative et de la droite, qui demandent aux autres une austérité qu'ils ne s'appliquent pas à eux-mêmes.
J'en viens aux crédits de l'Assemblée nationale. La dotation demandée pour 2024 s'explique par un rattrapage indispensable au vu de la progression de l'inflation et des divers coûts de fonctionnement : la dotation avait été gelée en 2007, puis réduite à 517,9 millions en 2012, et était restée inchangée jusqu'en 2022.
Pour la première fois, la revalorisation demandée concerne certains investissements, afin de couvrir la charge d'entretien d'un bâtiment historique. Il était temps de demander un soutien à l'État dans ce domaine ; c'est du bon sens. Il est prévu que les crédits pour charges parlementaires augmentent de 2,2 % par rapport au montant prévisionnel pour 2023. Les charges de personnel devraient connaître une hausse de 2,8 %, notamment du fait de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.
En revanche, j'ai du mal à comprendre que l'érosion du personnel statutaire se poursuive. Nous avons pu constater cette année au sein de notre commission que les administrateurs sont en sous-effectif ; ce n'est pas acceptable de continuer ainsi. Je ne comprends pas davantage l'absence de débat sur une sérieuse revalorisation des enveloppes qui concernent les autres personnels politiques que sont les collaborateurs de députés et de groupe, ou les autres personnels essentiels de notre assemblée qui assurent au quotidien les tâches de ménage, de maintenance ou de restauration.
Je vous invite à rejeter les crédits de la mission.